V. Quel avenir pour les catalogues
collectifs ?
1. Les projets nationaux
2. Les projets internationaux
3. Les catalogues collectifs spécialisés
La norme Z39.50 vise à offrir un accès réparti à des bases distribuées. D'un autre côté, des catalogues collectifs sont mis en place avec une gestion particulièrement lourde concernant l'intégration de notices en provenance de multiples catalogues. Comment envisager leur articulation ? N'y a-t-il pas là un moyen de suppléer à la mise sur pied de grandes bases de données monolithiques ?
Quelques pays ont décidé d'exploiter au sein de leur territoire les nouvelles possibilités d'interconnexion de catalogues, notamment par le biais de Z39.50.
La Bibliothèque Nationale du Canada, au regard du temps passé au chargement de centaines de milliers d'enregistrements par an, a décidé pour sa part d'adopter une solution de rechange, l'élaboration d'une "version virtuelle du catalogue collectif canadien" (Lunau, 1995). Celle-ci se définit comme un catalogue décentralisé, accessible par des moyens électroniques et établi en reliant différentes bases de données de plusieurs institutions au moyen du réseau Internet et de Z39.50 (deuxième version). Ces bases peuvent être des catalogues collectifs, les catalogues de bibliothèques particulières ou d'autres types de données tels que des systèmes d'information gouvernementaux. Du point de vue de l'usager, un tel catalogue sera en mesure de s'adapter à des besoins spécifiques. Il appartiendra alors à chaque bibliothèque de confectionner son propre catalogue collectif en fonction des établissements avec lesquels elle est amenée à coopérer.
Il a été défini des critères de base pour la participation des catalogues collectifs existants à la mise sur pied du catalogue virtuel. Ils concernaient principalement la présence :
- d'enregistrements d'une variété de documents sous différentes formes
- d'un fonds représentant plusieurs organisations
- d'une base accessible par le biais d'Internet
- du logiciel Z39.50 ou son éventuelle mise en place programmée dans les 12 ou 18 prochains mois.
Des critères ont également été élaborés afin de déterminer les bibliothèques pouvant être ajoutées au catalogue collectif. Par ailleurs, la Bibliothèque Nationale du Canada continue de développer le Catalogue Collectif national jusqu'à la mise en place des protocoles et des systèmes nécessaires au soutien de la version virtuelle du CCC. Les sources de préoccupation concernent principalement les conséquences de l'utilisation de différents formats d'enregistrement (CAN/MARC, USMARC), les mentions de localisation des fonds et l'uniformisation des codes d'identification des bibliothèques détentrices.
Le projet IRIS (Kelly, 1995) a, dans le même esprit, pour objectif de faciliter la recherche et la commande d'articles dans les catalogues de 6 bibliothèques irlandaises ainsi que dans la base de la société UnCover. Il procède de la décision stratégique de fournir l'accès à des ressources consolidées par un lien entre bibliothèques indépendantes plutôt que d'investir dans la création d'un catalogue collectif. Il est intéressant de noter que ce projet est basé sur une coopération très étroite entre des bibliothèques et une société commerciale de fourniture de documents.
Tous les usagers se connectent initialement au client IRIS. Des serveurs Z39.50 ont été installés dans les établissements cibles en association avec leur propre système.
L'Allemagne a pour sa part mis sur pied un projet national, DBV-OSI II[23], visant à fournir une infrastructure intégrée pour la recherche, la fourniture d'informations sur les fonds, la demande et la fourniture de documents basées sur Z39.50 (3ème version). L'objectif est d'offrir aux usagers un accès transparent à des ressources partagées en utilisant une interface familière. La phase 2 (1997) prévoit l'implémentation du protocole ILL et l'étude de l'usage du service Item Order de Z39.50 pour la demande de documents. C'est l'un des rares projets à s'attaquer au problème du lien entre les trois sphères de la recherche, l'accès aux informations de possession et la demande.
On remarquera que deux des trois projets nationaux concernant l'élaboration d'un catalogue collectif "virtuel" sont issus de pays dont la structure politique est fédérale. Ceux-ci doivent en effet composer avec des catalogues de taille déjà respectable et relativement indépendants. En ce sens, le catalogue collectif traditionnel s'avère être un catalogue comme les autres, susceptible de s'intégrer à un partage de ressources à un niveau supérieur. Le principal problème de l'interconnexion de "super-catalogues" concerne la génération de doublons. Certaines bibliothèques sont en effet parfois amenées à reverser leurs notices dans plusieurs bases distinctes. La Bibliothèque Nationale du Canada est actuellement confrontée au dédoublonnage des notices apparaissant concurremment dans les bases AMICUS et REFCATSS.
Des projets de plus en plus nombreux tendent en conséquence à favoriser une exploitation des catalogues qui dépasse le cadre d'une nation. Dans ces conditions, seuls des outils d'accès distribué à des catalogues existants, telle la norme Z39.50, apparaissent en mesure d'approcher la réalisation d'un catalogue "global".
Le projet ONE (Opac Network in Europe) monté afin d'interconnecter les OPACs des bibliothèques nationales participantes (Autriche, Danemark, Finlande, Allemagne, Pays-Bas, Norvège, Suède et Royaume-Uni) ainsi que les services de catalogage, s'oriente résolument dans cette voie (Smith, 1995). La plupart des participants ayant déjà développé des services basés sur Z39.50 et SR (Search and Retrieve), il s'agit d'offrir l'accès à tous les catalogues à partir d'un seul point d'entrée. L'un des principaux résultats attendus est en conséquence l'établissement d'une base pour un réseau d'OPACs pan-européen. Il est également projeté de produire un logiciel origine et cible du domaine public qui fonctionne à la fois sur les protocoles TCP/IP et OSI.
De la même manière, ARCA (Acces to Remote CAtalogues)[24], un projet engageant l'Italie et l'Espagne, se propose de développer un logiciel facile d'utilisation qui permette aux OPACs existants d'agir comme cibles SR (Search and Retrieve). Il est également étudié la possibilité de combiner un dictionnaire qui stocke les particularités de chaque OPAC avec le service Explain de la troisième version de la norme Z39.50.
PICA (Project for Integrated Catalogue Automation)[25] est un système intégré de partage de ressources hollandais qui a étendu ses services en Allemagne. Il permet aux bibliothèques membres d'effectuer des recherches dans une palette de ressources (le catalogue local ainsi que celui d'autres bibliothèques, le catalogue collectif national, des tables des matières, des services de résumé et d'indexation ainsi qu'un accès distant à OCLC), de demander les documents et les obtenir sous forme électronique ou papier. PICA est l'un des premiers en Europe à avoir utilisé Z39.50 pour fournir, à partir de l'interface locale, un accès intégré aux bases de données Firstsearch d'OCLC ainsi qu'à ses propres ressources. D'autres produits et services conformes à la norme Z39.50 ont depuis été développés, notamment une connexion pour les catalogueurs à la base bibliographique américaine RLIN.
Si nombre de projets internationaux oeuvrent pour un accès distribué à des catalogues de divers pays, les modalités de fourniture des documents qu'il implique jouent un rôle important.
Le projet DALI (Document and Library Integration) réunissant l'Irlande, le Royaume-Uni et la Grèce, étudie le développement et l'évaluation d'un service de fourniture de documents multimédia dans un environnement distribué en utilisant des protocoles standard (WAIS et Z39.50 pour la recherche dans les catalogues, ILL, HTTP et le service Item Order de Z39.50 pour la demande de documents, le courrier électronique et HTTP pour la fourniture).
Les possibilités d'accès intégré à des catalogues que fournit un standard tel Z39.50 semblent donc en mesure d'élargir la notion de catalogue collectif au-delà des limites nationales. Elles invitent cependant de manière encore plus pressante à prendre conscience de l'évolution dans la conception des OPACs, les modalités de catalogage et l'accès au document qui l'accompagne nécessairement.
Plus intéressante encore et autorisant des applications originales apparaît la constitution de catalogues nationaux ou internationaux spécialisés. En effet, l'accès réparti à des bases bibliographiques multiples peut être exploité afin de constituer un catalogue "virtuel" des documents disponibles dans un domaine précis. Celui-ci prolonge en quelque sorte les compilations de ressources dans une discipline donnée proposées par certains sites Web afin de compléter les services offerts.
Le projet EURILIA (European Initiative in Library and Information in Aerospace) se donne pour objectif de développer une interface standard basée sur SR qui fournisse un accès commun aux catalogues en ligne de bibliothèques dans le domaine de l'aérospatiale, incluant le feuilletage dans des bases d'images et la fourniture de documents (O'Flaherty, 1995). C'est un exemple intéressant de coopération entre industries européennes et établissements universitaires pour l'établissement d'un système pan-européen permettant un accès libre à l'ensemble des ressources disponibles dans un domaine donné. Une étude du potentiel commercial de l'opération est également envisagée.
Il a déjà été fait mention des projets Jukebox et Paragon pour la mise en commun des archives sonores de l'Italie, le Royaume-Uni et le Danemark en y autorisant un accès réparti.
De manière encore plus complète, UNIVERSE[26] se propose d'offrir un catalogue technique et un catalogue dans le domaine de l'environnement pan-européens. Il devrait en effet intégrer la recherche transparente dans des bases hétérogènes, la fourniture de documents multimédias et le prêt entre bibliothèques associés à la consultation ainsi que le catalogage partagé.
Le projet Aquarelle[27] vise à développer un réseau d'information sur le patrimoine culturel engageant des musées et des institutions culturelles de toutes nationalités. Plutôt que de créer une base de données centralisée, chaque établissement documentant ses propres objets et mettant à jour les fiches correspondantes, il a été choisi de définir des normes pour représenter l'information (SGML) et des protocoles de communication pour accéder de manière distribuée aux différents serveurs (Z39.50). Basé sur le concept d'hypermédia distribué, le système d'information Aquarelle devrait permettre la diffusion de requêtes vers tous les serveurs susceptibles de contenir des informations relatives à un thème donné tout en exploitant les thesauri multilingues existants. L'enrichissement des notices de référence sera développé, eu égard au type particulier des documents, stockés séparément dans des fichiers, auxquels elles permettront d'accéder.
Cet exemple met également en lumière le processus d'intégration progressive du catalogue à une base de données globale où description et documents interagissent.
Les nouvelles possibilités d'interconnecter les catalogues de bibliothèques spécialisées au moyen du standard Z39.50 promettent en conséquence l'élargissement de la recherche dans un domaine précis à l'ensemble des établissements concernés, quelle que soit leur localisation. Les premiers pas dans cette direction se manifestent également en France par l'élaboration d'accès intégré à des bases multiples au moyen d'une passerelle Web-WAIS. L'on peut ainsi effectuer une recherche unique dans différentes bibliothèques de mathématiques à partir du serveur MathDoc[28].
[23]http://www.ddb.de/projekte/dbv-osie.htm
[24]http://www.pisa.intecs.it/projects/ARCA
[25]http://www.pica.nl
[26]http://www2.echo.lu/libraries/en/projects/universe.html
[27]http://aqua.inria.fr/F/home-fra.html
[28]http://www-mathdoc.ujf-grenoble.fr/bibs/forms/multibase3.html/