par Yann Sordet
Communication présentée le 21 novembre 1997 au 1er Forum de l'édition et de la documentation spécialisée Doc forum .
Réalisation : Yann Sordet, archiviste paléographe, ancien élève conservateur à l'enssib (promotion 1998), conservateur à la Réserve de la Bibliothèque Inter-universitaire Sainte-Geneviève.
Sélection des documents : Yann Sordet, avec le concours de François Dupuigrenet Desroussilles, directeur de l'enssib et Guy Parguez, conservateur en chef à la Bibliothèque municipale de Lyon.
Edition électronique et mise en forme : Service des éditions de l'enssib et Yann Sordet.
Crédit photographique : Archives municipales de Lyon et Bibliothèque municipale de Lyon.
III. Tables, index et système de référenciation
IV. Versions, traditions et traductions en parallèle
V. Mise en page et structuration des textes classiques
VI. Répertoires, inventaires et encyclopédies : la mise en ordre livresque du savoir.
VII. Quelques singularités bibliographiques : un "dépassement" de la forme du livre ?
Dans le cadre d'une réflexion consacrée à l'édition et à la documentation spécialisée, aux techniques et instruments documentaires, à la transmission et à l'acquisition des savoirs, l'histoire du livre et du document a droit de cité.
Les notions et exigences contemporaines de structuration logique et physique du document (normes de balisage et formats), de protocole d'indexation et de recherche documentaire, liées aux supports informatiques et numériques, s'insèrent en effet dans une histoire longue du livre. Cette histoire est celle de l'évolution de la mise en page et en volumes des textes et de l'information. Elle est de surcroît indissolublement liée à une histoire des pratiques de lecture et de consultation, tant il est vrai que, comme l'a dit Mac Luhan, "le livre est un prolongement de l'oeil". Ce domaine de la recherche en histoire du livre est relativement récent. C'est un domaine où il est tentant de broder, d'extrapoler, de vouloir expliquer tous les mécanismes subtils et complexes qui sont en jeu dans l'acte de préhension du livre - ce dernier étant un des objets de notre quotidien les plus simples et les plus communs, en même temps qu'un des plus complexes et des plus difficiles à définir.
Nous avons fait ici, et pour ces raisons, le choix de la concrétude, le choix de présenter et de commenter des documents anciens, du XIVe au XVIIIe siècle, des formes particulières de mise en page, des systèmes de repérage de l'information, des moyens spécifiques permettant la circulation dans l'espace du livre, en espérant, au fil de cette présentation, faire toucher du doigt des problèmes, des enjeux et des sujets de réflexion plus théoriques. Dix-sept documents ont été sélectionnés dans les fonds des Archives municipales et dans les collections de la Bibliothèque municipale de Lyon. On souhaite, à travers eux, illustrer quelques étapes d'une histoire des formes et des modes de structuration de l'écrit, en insistant sur les questions suivantes : les contraintes de la forme du livre (volumen, rotulus et codex) ; la disposition des textes classiques et bibliques visant à faciliter les opérations de confrontation des leçons, versions ou évangiles l'évolution et le fonctionnement de différents procédés comme les index, capitulations, manchettes et jeux typographiques l'annotation et la glose les encyclopédies, la présentation matérielle de l'ordre du savoir et les modes d'association de l'information textuelle et iconographique quelques formes particulières de "livres à système", qui peuvent apparaître comme des tentatives de "dépassement" de la forme du livre.
1. Maîtrise des ports et passages du bailliage de Mâcon, rôle minute des actes et procédures, année 1387. Rotulus de papier et parchemin.
Archives municipales de Lyon, FF 0278
Le premier objet présenté est aussi le plus ancien. C'est un Rotulus, ou rouleau, qui se rapproche extérieurement du volumen, forme qu'a connue le livre dans l'antiquité méditerranéenne avant d'être progressivement supplantée, à partir du IVe siècle, par le codex - le livre que nous connaissons et manions encore aujourd'hui. La particularité du rotulus est que le texte s'y développe verticalement, dans le sens du rouleau, et non en colonnes transversales comme dans le volumen antique. Ce rotulus date de la fin du XIVe siècle il comprend le rôle des actes et procédures d'une juridiction douanière, la maîtrise des ports et passages du bailliage de Mâcon (procès verbaux de visites de convois, procès pour contrebande...). Il est constitué de six bandes cousues à l'une de leur extrémité et roulées ensembles. Chacune des six bandes se compose de feuillets, cousus bout à bout, de parchemin ou de papier, le papier n''ayant été réellement introduit en France qu'au siècle précédent. Pour assurer l'authenticité et l'unité de ce document administratif et juridique, et afin d'éviter toute falsification, les secrétaires qui se sont chargés de la rédaction des actes ont apposé leur signature sur les coutures. Le texte est structuré de façon séquentielle : les actes se suivent, séparés par un espace et individualisés par une initiale majestueuse avec de forts jambages .
Les opérations de repérage devaient toutefois y être délicates. Pour retrouver aisément une décision de justice, les magistrats de la maîtrise des ports de Mâcon ne disposaient d'aucun index, comme ceux qui permettent aujourd'hui, par exemple, d'interroger la jurisprudence de la Cour de cassation, disponible sur cédérom. Quelques signes toutefois servent de repère dans cette suite chronologique d'actes, ainsi d'une manicule , qui pointe un élément important du texte. Ce signe, présent depuis longtemps dans le manuscrit, trouvera dès la fin du XVe siècle un équivalent typographique. Il remplit parfois une fonction de séquentialisation (plus généralement réservée au pied de mouche), mais surtout et plus communément une fonction de signalisation. C'est le signe que nous retrouvons aujourd'hui dans de nombreux progiciels et dans les navigateurs Internet, et qui sert à l'activation des liens hypertexte. La manicule donc, avec son doigt pointé, invitait à porter attention à une portion du texte manuscrit et imprimé ; elle signale aujourd'hui qu'il y a de l'information "derrière" ou "au-delà" du texte électronique souligné. Lorsque cette main sort d'une manche portant une inscription, on lui réserve le terme de "manchette". Par extension, sont dites "manchettes" les notes marginales situées en regard du texte auquel elles font référence.
Comme le volumen, le rotulus est un livre qui se déroule, contrairement au codex qui est un livre que l'on traverse. Le premier impose un mouvement linéaire et séquentiel de préhension du texte. Le second autorise le retour, la confrontation des pages : il s'offre à un accès non plus séquentiel et continu mais, pour employer un terme de l'informatique documentaire, "discret". Cette possibilité d'accès sera favorisée, nous le verrons, par l'introduction dans le codex de procédés comme les index et systèmes de repérage numériques (capitulation, foliotation, pagination). Le codex permettra ainsi à la fois un geste de feuilletage séquentiel (avec l'index) et un geste de feuilletage continu (avec le pouce). Notons que le texte électronique, aujourd'hui, fonctionne aussi bien en mode rouleau (à l'imitation de la consultation d'un rotulus ou d'un volumen) qu'en mode page (à l'imitation de la consultation du codex). Bien après que le codex a supplanté le volumen, ce dernier a persisté dans les représentations comme signe d'autorité ; on peut penser qu'aujourd'hui, le rapport entre codex et écran est du même ordre que le rapport jadis existant entre volumen et codex (cf. par exemple les icônes des progiciels de traitements de texte).
BM de Lyon, Res. inc. 20
Cette Bible incunable a un type de mise en page immédiatement reconnaissable, celui des textes glosés. Elle est héritée directement des mises en page manuscrites, malgré toutes les contraintes que celles-ci ont imposées à la composition typographique (imbrication ou alternance de textes dont le corps de caractère et l'unités de linéation sont différents). Le livre de la Genèse est ici accompagné de deux types de glose :
la glose ordinaire de Walafrid Strabon (IXe s.). Ce moine bénédictin a résumé dans sa glosa ordinaria les leçons sur la Bible de Raban Maur, dont il fut l'élève à l'abbaye de Fulda. Il s'agit d'une glose encadrante.
la glose interlinéaire d'Anselme de Laon, théologien du XIe s.
Il existe plusieurs gloses de la Bible, dont les principales, outre les deux présentes ici, sont la Magna glossatura de Pierre Lombard sur les psaumes (XIIe s.), et les Postilles du Franciscain Nicolas de Lyre (XIVe s.). Suivant sa position par rapport au texte principal, la glose peut être dite encadrante ou linéaire, comme ici, mais aussi marginale, intercalaire ou continue.
On voit que la glose glorifie le texte en l'entourant ; mais elle en guide aussi la lecture et la réception, en l'enserrant dans une tradition d'interprétation. Cette présentation du texte le prémunit contre la lecture non autorisée, personnelle, idiosyncratique, la lecture "en braconnage", selon la formule de Michel de Certeau ( L'invention du quotidien, I, Arts de faire (1980), nouv. ed. Paris, Gallimard, 1990, p. 251).
Sur l'exemplaire présenté, après impression, ont été tracées des lignes de réglure, signe d'un attachement à la forme de présentation du manuscrit. Différents éléments de structuration et de séquentialisation du texte favorisent les opérations de repérage : titre courant (comportant le titre du livre et le numéro du chapitre), lettres ornées et vignettes enluminées en début de livre, pieds de mouche en début de chapitre.
Les index, tables des matières et autres systèmes de référenciation permettent le repérage dans l'espace du livre et l'accès direct à son contenu. Leur histoire commence véritablement au XIIe siècle, et en France. Leur invention a été préparée par quelques prémisses importants. L'apparition du codex, d'abord, dans lequel la comparaison des passages est plus aisée que dans le volumen, correspondait au besoin nouveau des chrétiens de confronter d'une part les évangiles entre eux, d'autre part l'Ancien et le Nouveau Testament, ce qui à proprement parler constitue l'exégèse biblique. Au IVe siècle l'évêque Eusèbe de Césarée élabore des tables, en quatre colonnes parallèles, destinées à accompagner les manuscrits évangéliques. Au XIe siècle, Papias compose le premier ouvrage qui suive l'ordre alphabétique. Il s'agit d'un dictionnaire, dont nous voyons ici une édition incunable (Venise, 1496).
3. PAPIAS. Vocabularium. Venise : Pinzi, 1496, in-fol.
BM de Lyon, Res. inc. 293
Cet ouvrage, au XIe siècle, reste toutefois une singularité. Le Moyen Age n'aime pas l'ordre alphabétique, qui est perçu comme une absurdité, un mode de classement tout de convention et ne reposant sur aucun principe rationnel. Les rapports véritablement rationnels entre les mots et les concepts sont d'ordre hiérarchique, chronologique ou causal. Le livre se doit de respecter et de manifester cet ordre, plutôt que le désordre alphabétique.
Après Papias, au XIIe siècle Pierre Lombard compose ses Sentences, qui sont une sorte d'encyclopédie du savoir chrétien. Il les édite, dit-il, afin d'éviter au chercheur de parcourir de nombreux livres, car la brièveté des Sentences lui offre sans effort ce qu'il cherche. On comprend qu'il ne s'agît pas là d'un index. Un index, dans le sens livresque, est avant tout un outil de structuration. Or les Sentences sont plutôt un outil de substitution, qui remplace le recours aux autres livres. Mais les impératifs de Pierre Lombard sont la documentation et l'information rapide, et pourraient être, tels qu'il les formule, ceux du documentaliste moderne : Statim invenire, sine labore, citius (trouver promptement, sans effort, le plus rapidement possible). Parmi ces outils, ils convient de citer également les Concordances bibliques de Hugues de Saint-Cher (XIIIe s.), qui permettent de localiser un mot dans l'Ancien Testament. La position de chaque mot dans le texte des Ecritures y est codifiée par un système à trois divisions : Livre (titre abrégé) / chapitre (chiffre) / situation dans le chapitre - cette dernière étant notée par une lettre de A à G, qui indique la position relative dans le chapitre (Par exemple. A : début ; D : milieu ; G : fin). Ainsi l'entrée Aqua (eau) aura pour localisation : Gen. I. A. La décomposition normalisée des chapitres en versets, qui permettra un repérage plus précis et standardisé, ne sera effectuée que par Lefèvre d'Etaples et Henri Estienne au XVIe siècle, nous le verrons.
Tous ces outils sont les ancêtres de nos index. Leur apparition est liée à un changement des attitudes cognitives. Le temps n'est plus où l'érudition, qui était essentiellement monastique, signifiait assimilation profonde et travail de la mémoire. A partir du XIIe siècle, la diffusion de l'écrit et la laïcisation des savoirs imposent de nouvelles pratiques de lecture et de consultation, et donc de nouvelles formes de présentation du livre. L'apparition de l'index se comprend dans ce contexte.
4. SCHEDEL (Hertman). Liber chronicarum. Nuremberg : A. Koberger, 12-7-1493, in-fol.
BM de Lyon, Res. inc 1056
Dans cet incunable fameux, les Chroniques de Nuremberg, l'index imprimé est situé en tête de l'ouvrage ; en regard de chaque terme indexé figure le numéro du feuillet correspondant dans le corps du volume. Cet index est suffisamment important aux yeux de l'éditeur pour que sa présence soit signalée et mise en valeur. La définition qui en est donnée pourrait être la notre aujourd'hui : "Tabula operis hujus de temporibus mundi. Ut historiarum rerumque ceterarum ac urbium in se sparsim varieque conscriptorum ex optanti singula facilior inventu sint juxta seriem alphabeti nomina rerum sunt ordinata e directoque cuius rei nominis numerus apparens chartam folioum indicat". (Table de cet ouvrage d'histoire universelle : pour que chacune des histoires, des matières et des ville, évoquées diversement et en différents endroits de ce livre, soient d'un repérage plus facile pour celui qui le souhaite, les noms en sont disposés dans l'ordre alphabétique, et le numéro apparaissant en regard du nom désigne le feuillet). La nouveauté, que ne manque pas de préciser ce "mode d'emploi", tient à ce que les références ne sont pas faites à une unité de contenu (livre, chapitre ou telle division courante du texte), mais à une unité de contenant, matérielle (ici le feuillet). Dès lors sont permises en toute facilité la manipulation et la navigation individuelle à l'intérieur de l'ouvrage.
A partir de la Renaissance, diverses solutions sont adoptées pour mettre en parallèle différentes versions des Ecritures sur une même page. L'édition du Psautier par Lefèvre d'Etaples en 1509 est d'un importance capitale à ce titre, et pour plusieurs raisons.
5.Quincuplex psalterium. ed. J. Lefebvre d'Etaples. Paris : Henri Estienne, 1509, in-fol.
BM de Lyon, 105 024
C'est dans cette édition du psautier que l'on trouve la première occurrence de la numérotation des versets, qui introduit une décomposition normalisée du texte biblique et remplace, ce faisant, tous les systèmes antérieurs de signalisation, indexation et repérage. Le verset, unité de sens, est présenté comme une unité visuelle, individualisée par son numéro, la rubrication de la première lettre et des bouts de ligne typographiques. En 1555, l'imprimeur libraire lyonnais Jean Frellon ajoutera un élément supplémentaire de séquentialisation à ce dispositif, le retrait de la première ligne, achevant ainsi la mise au point du verset typographique moderne. Le Quincuplex psalterium présente en parallèle d'abord trois versions du psautier (le psautier gallican, rédigé en Gaule cisalpine, le psautier romain, corrigé par Saint Jérôme, et le psautier hébreu) [photo 1], puis deux autres versions (le psautier vetus, avant l'intervention de Saint Jérôme, et le psautier conciliatus, fruit de la "conciliation" de Lefèvre d'Etaples) [photo 2 ]. Cette présentation synoptique traduit une volonté de concorde, un effort pour rechercher le sens véritable des Ecritures par la confrontation des versions qui en existent. Lefèvre d'Etaples s'inscrit en cela dans une tradition humanistes inaugurée au XVe siècle par les travaux de Lorenzo Valla sur le Nouveau Testament. On notera le recours à quelques signes typographiques d'édition [photo 2 : signes présents dans la 2ème partie du livre : version vetus et conciliatus] : une lettre hébraïque signale la présence du nom de Dieu, et dans la marge en regard sont indiquées les autres formes trouvées à ce passage l'étoile () signale les versets que Lefèvre d'Etaples a "conciliés" le texte introduit par le signe > (triangle plein horizontal) et fermé par deux points ( ) indique que ce passage a été omis dans les versions en hébreu.
BM de Lyon, 20 002
La Bible polyglotte imprimée à Anvers en 1569 est un monument d'érudition philologique. Elle est le fruit d'un travail de quatre années mené par Benoît Arias Montanus, philologue espagnol qui a participé au concile de Trente et qui fut le bibliothécaire de l'Escurial. L'entreprise fut conduite sous la protection de Philippe II d'Espagne, à qui l'édition est dédiée. Elle fut imprimée à Anvers, centre éditorial alors florissant et en pleine expansion, avec des caractères spécialement fondus par Guillaume Lebé, appelé de Paris par Plantin. La signification religieuse, politique et savante de cette "Bible du Siècle d'Or" est très forte. Précisons qu'il ne s'agit pas de la première bible polyglotte imprimée. Elle fut en effet précédée par une édition de 1514-1517, publiée en Espagne par les soins du cardinal Ximenès. Un psautier polyglotte avait par ailleurs été imprimé à Gênes en 1516.
On observe que, conformément à l'invention de Lefèvre d'Etaples, les versets y sont numérotés, et sont signalés par le retrait d'alinea repris de l'édition lyonnaise de Jean Frellon. Les notes en bas de page sont réservées à la paraphrase chaldaïque. Chaque double page est surmontée des titres courants, dans les langues des colonnes correspondantes. Les lignes du texte en hébreu, comme il se doit, sont numérotées à droite, mais le livre, qui comporte également les versions grecque et latine, se parcourt tout de même de gauche à droite. La présentation et la pagination d'un livre écrit en plusieurs langues dont le sens de lecture n'est pas le même, impose donc un choix. On peut à ce propos faire référence à une grammaire de la langue hébraïque, écrite en latin, mais dont le volume se parcourt de droite à gauche, la pagination étant inversée - comme par révérence envers la langue étudiée (Jean Leusden, Dissertatio de litteris et lingua Samaritanorum, Utrecht, 1672).
7. VIRGILE. Opera, com. de Servius. Milan : Leonardo Pachel, 1509, in-fol.
BM de Lyon, Res. 104 950
Cette édition milanaise de Virgile fournit l'exemple d'un texte classique glosé. La glose profane a recours aux mêmes dispositifs que la glose biblique, observée dans la Bible incunable de Strasbourg. Le texte est enserré par les commentaires de Servius, un grammairien du Ve siècle. En marge, les manchettes indiquent les mots recensés dans la Tabula materiarum, avec le numéro de feuillet correspondant ; une lettre grise marque le début de chaque églogue et celui de la glose correspondante. Dans les gloses, des petits signes appelées crochets alinéaires citent les lemmes, c'est à dire les premiers mots du vers commenté. Une partie du livre (Georgiques) a été surglosé de façon manuscrite au XVIe siècle : un lecteur a composé une paraphrase interlinéaire suivant la métrique du texte.
Deux éditions de Tacite, de 1608 et de 1672, permettent de suivre les évolutions de présentation des éditions savantes et de la disposition des apparats critiques.
8. TACITE. Scripta quae extant. Paris : Chevallier, 1608, in-fol.
BM de Lyon, 23 955
La première présente un système de notes mixte, à trois registres : manchettes en italique commentaires de Juste Lipse en base de page, avec appel de note numérique ; notes aux commentaires de Juste Lipse introduites par une étoile [photo p. 4 ]. Le texte est augmenté d'annexes (une chronologie, une biographie de Tacite) et de deux index qui constituent un système de repérage relativement complexe :
- Un index des chapitres donne la liste des chapitres distingués par l'humaniste Jean Gruter (1560-1627). Cette édition est cependant due à Juste Lipse (1547-1606), qui a donc structuré le texte de Tacite selon ses propres capitulations. Les deux systèmes de capitulation ne se recouvrent pas. Dans cet index, en regard de chaque titre de chapitre de Gruter correspond donc un numéro de page.
- L'index des matières (lieux communs) est celui qu'avait dressé Gruter, avec références à ses propres capitulations. Or, comme on l'a dit, la présente édition est faite selon les capitulations de Juste Lipse. Il aurait été trop lourd et trop coûteux de refondre l'index des matières de Gruter en l'adaptant aux nouvelles capitulations de Lipse. On a donc préféré le conserver tel quel, en insérant une table de conversion. Ainsi les opérations de repérage se font-elles en trois temps, comme le montre l'exemple suivant : celui qui recherche les occurrences d'Abbarus, roi des Arabes, consulte d'abord la table des matières et trouve : Abbarus, rex Arabum, suivi de la référence : XII, 12. Renvoi est donc fait au chapitre XII, paragraphe 12 de Gruter. La table de concordance donne, en face de la capitulation XII, 12, l'indication 175.11, qui correspond aux numéros de page et de ligne de l'édition de Juste Lipse. Le lecteur devra donc se reporter à la page 175, ligne 11 de la présente édition pour trouver sa référence. On voit donc comment s'opère une "sédimentation" des systèmes de capitulation et d'indexation anciens, repris et adaptés à une nouvelle présentation du texte au moyen d'une table de conversion.
La seconde édition de Tacite que nous présentons est de 60 ans postérieure à la première.
9. TACITE. Opera, ed. Gronovius. Amsterdam : D. Elzevier, 1672, in-8.
BM de Lyon, 316 593
Elle fut élaborée par Gronovius, qui comme Gruter et comme Lipse mais appartenant à la génération suivante, fut un grand éditeur de classiques. La nouveauté de cette édition par rapport à la précédente est évidente : le texte y apparaît libéré des gloses et des systèmes mixtes d'annotation. Les notes sont reléguées exclusivement en base de page, forme de présentation qui, des éditions cum notis variorum à nos "Budé", reste désormais celle des auteurs classiques et des éditions savantes. On retrouve toujours les capitulations de Gruter, qui sont signalées en marge, et les notes de Juste Lipse, figurant en annexe avec renvoi aux capitulations de Gruter.
En fait, techniquement c'est à dire typographiquement , il était plus facile de reléguer les notes en bas de page. Cela revenait en gros à ne composer que deux blocs successifs de lignes typographiques, de corps différents. On évitait ainsi les difficultés posées par les notes encadrantes ou marginales, dont le positionnement par rapport au texte principal était parfois aléatoire. La relative lenteur de l'abandon des systèmes mixtes d'annotation est donc à mettre au compte du poids des traditions de mise en page.
10. DESCARTES (René). Les Passions de l'âme. Amsterdam : L. Elzevier, 1650, in-8.
BM de Lyon, 808 809
L'édition originale des Passions de l'âme de Descartes avait été donnée par Louis Elzevier à Amsterdam en 1649. L'exemplaire présenté ici est de la seconde édition, que le même Elzevier fait paraître l'année suivante, année de la mort du philosophe. La rationalité du texte y est servie par une mise en page et en volume claire et ordonnée. Divers éléments de structuration et de présentation que nous avons vus apparaître précédemment dans le livre sont ici utilisés dans leur forme achevée : la justification à droite, acquise depuis la fin du XVe siècle, est ici rigoureusement appliquée ; le texte a fait l'objet d'une capitulation continue et numérotée ; la gestion des alternances italique/romain permet la distinction de deux types d'énoncés (paragraphe d'analyse ou argument/corps du chapitre).
Les ouvrages répertoires ou encyclopédiques ont un "fonctionnement" propre ; les modes de consultation dont ils font l'objet reposent sur des protocoles de structuration et d'ordonnancement particuliers. On en prend aisément conscience en observant quelques exemples de ces types d'ouvrages, parmi les plus fameux du XVIe au XVIIIe siècle : inventaires bibliographiques, systèmes classificatoires appliqués à la mise en livre des sciences naturelles ou de la totalité du savoir.
11. GESSNER (Conrad). Bibliotheca universalis. Zurich : Froschover, 1545, in-fol.
BM de Lyon, Res. 109 328
Conrad Gessner est un des principaux esprits encyclopédiques de la Renaissance allemande, tout à la fois naturaliste et bibliographe. Sa Bibliotheca universalis parait pour la première fois à Zurich en 1545. Il s'agit d'une bibliographie universelle, dans laquelle l'auteur a voulu recenser tous les livres et toutes les oeuvres publiés jusqu'à lui. On dit que cet héroïsme bibliographique, auquel fera écho Jacques-Charles Brunet au XIXe siècle avec son Manuel du libraire, est né du traumatisme causé par la destruction par les Turcs, en 1527, de la bibliothèque du roi de Hongrie Mathias Corvin. La Bibliotheca universalis restera longtemps une des principales références bibliographiques, rééditée et mise à jour pendant deux siècles. Gessner classe sa matière selon l'ordre alphabétique des auteurs. La notice qu'il se réserve est entrée au prénom, selon l'usage médiéval. Les champs principaux des références bibliographiques recensées sont le titre de l'oeuvre et, quand elle a fait l'objet d'une édition imprimée, ses date et lieu d'édition. Le protocole suivi pour la description bibliographique manque toutefois de rigueur et d'homogénéité, telle édition pouvant être décrite par une phrase plutôt que par une notice analytique composée de champs. De surcroît, Gessner décrit tantôt des oeuvres, tantôt des éditions précises de ces oeuvres. L'ouvrage, bien que composé selon l'ordre alphabétique des auteurs, est cependant pourvu en tête d'une table de ces mêmes auteurs. La présence de cet outil n'est pas superflue, elle s'impose pour des raisons d'identification et de repérage : il indexe en effet toutes les parties d'un nom, permettant par exemple au chercheur de trouver le nom complet de "Démocrite d'Abdère" alors qu'il ne se souvient que d'une partie de ce nom ("Abdère"). Précisons que ce souci d'assignation précise d'une oeuvre à un auteur est contemporain de l'affirmation, dans le livre imprimé, de la page de titre comme lieu de son identification, où l'on peut désormais trouver immédiatement les mentions de responsabilité.
12. GESSNER (Conrad). Historia animalium. Zurich : Froschover, 1558, in-fol.
BM de Lyon, Res. 22 702
Conrad Gessner témoigne du même souci d'inventaire, et applique ce même ordre alphabétique dans son Histoire des animaux, publiée 13 ans plus tard. La manière dont sont structurés l'ouvrage lui-même d'une part, et chacune de ses notices d'autre part, mérite que nous nous y arrêtions. L'ouvrage dans son ensemble fait l'objet d'une seule organisation un peu systématique, selon laquelle l'auteur répartit les animaux recensés entre animaux volatiles, terrestres et aquatiques. A l'intérieur de chacun de ces trois ensembles, les notices sont présentées dans l'unique ordre alphabétique des espèces. Le souci de faciliter les recherches et les accès directs à l'information a conduit Gessner à doter son ouvrage de trois index :
une table des matières, qui présente de façon synoptique l'organisation générale du volume.
un index des noms latins.
un index des noms vulgaires, organisé par langues, l'éditeur recourant à une typographie gothique pour présenter l'index des noms germaniques.
Les notices, unités élémentaires de l'ouvrage, font l'objet d'une structuration normalisée qui confère une homogénéité à l'ensemble du volume. Chaque nom d'espèce est imprimé en titre gras, avec une lettre grise. Les paragraphes constitutifs de la notice sont chiffrés, et correspondent à différents champs : A = terminologie et distinctions, B = description, C = mode de reproduction, D = usage par l'homme. Ces lettres, figurant en marge du texte principal, servent à baliser le texte, et à conduire l'oeil plus rapidement et plus exactement vers l'information requise. Les manchettes, en italique, signalent les références et auteurs cités. La numérotation des lignes n'a aucune fonction interne à l'ouvrage puisqu'aucun des index n'y fait référence ; elle doit servir aux citations futures, Gessner et son éditeur s'assurant ainsi de l'exactitude et de la précision avec lesquelles les savants la citeront.
BM de Lyon, B 491 031
Deux siècles plus tard, les publications de Linné constituent une autre étape dans l'histoire des sciences de la nature. A un autre système classificatoire autrement plus complexe correspond une mise en livre différente des savoirs scientifiques. Le titre même de l'ouvrage proclame l'ordre, le système classificatoire par lequel Linné entend soumettre la nature à la raison du sujet scientifique. Chacun des mots de ce titre est significatif. L'organisation de l'ouvrage se veut méthodique (methoda dispositio) ; elle correspond au système même qui régit la Nature (accomodata ad systema naturae), lequel repose sur une répartition du vivant en classes, ordres, genres et espèces (classes, ordines, genera, species). L'ouvrage est présenté comme un manuel (in formam enchyridii redacta), attestant d'un souci d'ordre, d'évidence et de clarté, de facilitation de la consultation. Ce livre est donc tout à la fois un outil documentaire et l'exposé d'une théorie, et le succès de la systématique de Linné est en grande partie assis sur la clarté de son exposition et de son "édition". Ainsi, la table qui figure en tête de l'ouvrage [cf. photo, pp. 6-7 ] est la table du volume tout autant que l'énoncé du système. Le corps du livre lui-même est structuré par le système qu'il expose : le titre courant indique la classe et l'ordre ; les capitulations, numérotées en continu, correspondent aux genres ; et les paragraphes, numérotés à l'intérieur des chapitres, correspondent aux espèces. Les retraits d'alinéa, en début de paragraphe, sont un élément supplémentaire mis au service d'une évidence de la page. Enfin, un index alphabétique des espèces figurant en fin de volume permet un accès direct - et non plus structuré selon la systématique - à l'information élémentaire.
14. LINNE (Charles). Genera plantarum. Leyde : Wishoff, 1737, in-8, pl. depl.
BM de Lyon, A 491 892
Dans cet autre traité de Linné, sur les plantes et leur génération, les mêmes procédés de présentation livresque sont appliqués à la botanique. Mais l'arsenal démonstratif est ici plus efficace et plus complet encore car il repose également sur des tableaux. La même méthode classificatoire structure en quelque sorte le document avant même que n'y soient consignées les données. En tête de volume figure la table des matières, désignée comme ratio operis : c'est tout à la fois la clé formelle de l'ouvrage (ratio libri) et la clé théorique du contenu (ratio rerum ou ratio Naturae). L'exposition synoptique du système s'y fait également à l'aide d'un tableau dépliant des classes, qui a une fonction de diagramme. On comprend en effet que si le texte manquait, la grille resterait une forme vide. Si la grille à son tour manquait, le rapport de sens entre les éléments textuels s'évanouirait, l'ordre deviendrait chaos et la lecture aléatoire. Ce tableau ou diagramme impose donc une lecture synthétique, non des seuls éléments textuels mais conjointement des rapports qu'ils entretiennent dans l'espace ordonné de la page. Nous sommes ici à l'aube de l'édition scientifique moderne, qui repose en grande partie sur la pertinence de ses schémas, tableaux et diagrammes.
15. Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Paris et Neuchâtel : Briasson, 1752-1772, in-fol.
BM de Lyon, 24 243
3 volumes présentés
:
1 volume de texte : tome 7 (lettres H - T) : Us. 69 B
1 volume de tables : tome II (lettres I - Z) : Us. 70 B
1 volume de planches : tome VII : Us. 71 B
La première édition de l'Encyclopédie, somme raisonnée des savoirs et ouvrage phare des Lumières, commence à Paris en 1752. Penchons nous sur les deux principaux niveaux de structuration bibliologique qui organisent cet ouvrage, l'un au niveau de l'ensemble de l'oeuvre, l'autre au niveau des pages de planches. L'édition de l'Encyclopédie manifeste le triomphe de l'ordre alphabétique : une séparation nette est donc opérée entre l'ordre des choses, l'ordre encyclopédique du monde et des savoirs tel qu'il est expliqué et développé dans la préface par d'Alembert, et l'ordre des mots, des concepts et des définitions qui constitue l'organisation principale des 39 volumes. Mais cet ordre alphabétique n'est pas un ordre alphabétique unique et continu. L'immense base de données que constitue l'Encyclopédie est en fait constituée de trois fichiers alphabétiques parallèles, qui constituent chacun une série de volumes.
1. Les volumes du dictionnaire encyclopédique proprement dit constituent le fichier de texte, où l'on trouve les entrées principales qui font l'objet de développements. Ainsi de l'article "imprimerie".
2. Les volumes de la table fonctionnent comme un index général, assurant les liens et les renvois hiérarchiques et transversaux entre les concepts, donnant les références aux volumes, pages et colonnes du dictionnaire encyclopédique (le fichier 1). Il s'agit là de l'instrument d'accès à l'Encyclopédie, faisant office de fichier index d'interrogation et de fichier de termes d'autorités.
3. Les volumes de planches, accompagnées de légendes, constituent le fichier iconographique. Liens et renvois sont bien sûr assurés avec les volumes de texte. On constate donc que les images sont séparées du texte. Il y a à cette dichotomie une raison technique, les planches ayant été imprimées sur des presses en taille-douce, différentes des presses typographiques. Mais l'Encyclopédie reste bien un texte mixte, édifié sur la coexistence de l'information écrite et de l'illustration. Surtout dans les matières techniques, il est du reste très difficile de comprendre l'une sans avoir recours à l'autre. Le deuxième niveau de structuration, mis en lumière par une analyse célèbre de Roland Barthes, est celui des planches elles-mêmes. L'organisation de la plupart des planches d'illustration est binaire, la page étant divisée en deux registres iconographiques. La moitié supérieure de la page est alors occupée par une mise en scène de l'objet décrit : il s'agit soit d'une scène génétique, présentant l'objet en train de se faire, dans une dynamique de production, soit d'une scène anecdotique, présentant l'objet dans une situation réelle d'utilisation, inséré dans une gestuelle, contextualisé, souvent entouré d'hommes qui le font fonctionner (ici la presse typographique au centre d'un atelier d'imprimerie en activité). Dans la moitié inférieure de la page, l'objet est isolé, analysé comme anatomiquement, hors de tout contexte pratique ; l'illustrateur l'a parfois présenté en opérant des variations d'échelle ou de point de vue (vue de face, de haut, latérale...).
Les deux derniers objets présentés sont des curiosités bibliographiques. Ils illustrent la manière dont, non pas tant la mise en page, les procédés typographiques ou l'organisation générale du volume, mais bien la forme matérielle du livre peut être adaptée à la fonction qui lui est assignée.
16. APIANUS (Petrus). Cosmographia. Anvers : Buckmann, 1540, in-4, 4 volvelles, carte depl.
BM de Lyon, Res. 317 840
Petrus Apianus, en allemand Pieter Bienewitz, fut professeur de mathématiques à Ingolstadt. Il dédie sa Cosmographie à l'empereur Charles Quint. Son but est de proposer un livre qui se substitue à la fois aux tables et instruments astronomiques, et qui permette en tout temps et en tout lieu de trouver la position des astres, de calculer les distances qui les séparent, ou encore de déterminer une longitude. Ce livre est un véritable instrument, équipé de volvelles (des disques gradués qui tournent sur un axe) et de parties dépliantes qui en font un volume à trois dimensions. Une de ces volvelles (photo 1 : fol. X ) permet notamment, à l'aide d'une table des latitudes des villes figurant en fin de volume, de déterminer la position du zénith par rapport à la position de l'observateur, tout en lui indiquant la partie de l'hémisphère céleste visible de ce point.
BM de Lyon, 811 642
La Méthode de confession du Père Leutbrewer, communément appelée la Confession coupée par allusion à l'usage qu'elle requiert de son lecteur, fut imprimée pour la première fois à Bruxelles en 1677. Elle fait l'objet de nombreuses rééditions jusqu'au XVIIIe siècle, toutes de petit format (in-octavo ou in-douze) que l'on pourrait dire "de poche", car il s'agit d'un livre aisément transportable, conçu comme tel par son auteur. Ce petit livre, véritable manuel de la piété ordinaire et de la pénitence domestique, sert à faire son examen de conscience. Tous les péchés sont listés, organisés en dix chapitres correspondant aux dix commandements. Sur chaque page, les péchés sont imprimés sur des languettes horizontales prédécoupées, dont l'extrémité "volante" est glissée sous la marge de droite. Sa lecture doit être séquentielle : quand le lecteur s'estime coupable d'un des péchés recensés, il lui faut extraire la languette avec la point d'une aiguille, de façon à ce que son extrémité dépasse sur le bord de la page. Lorsque le lecteur se rend, ensuite, auprès de son confesseur, il lui suffit de feuilleter le volume pour retrouver les péchés dont il se doit confesser, les languettes correspondantes ayant été libérées. Cette possibilité de mémorisation et de tri fait de ce livre, à certains égards, l'ancêtre des machines mécanographiques à cartes perforées et de nos ordinateurs. Une fois pénitence accomplie, le lecteur repenti se contentera de réinsérer l'extrémité des languettes dans leur logement, et plus rien n'y paraîtra. Le livre se fait donc le miroir de l'âme, en perpétuelle évolution. Sur l'exemplaire présenté toutefois, un lecteur a coché certains péchés par une croix manuscrite dans la marge : un des avantages d'un tel manuel, qui est de pouvoir effacer aisément les péchés dont on s'est rendu coupable, s'en trouve donc par là annulé !
On peut considérer la Cosmographie d'Apianus et la Confession coupée du P. Leutbrewer comme des tentatives de rendre le livre flexible, de dépasser le cadre fixe et contraignant de la page. A certains égards, la Cosmographie pourrait passer pour une édition "multimédia", dans la mesure où elle laisse place au mouvement et à la pluridimensionalité, et où elle associe le texte, l'image et l'objet.
Ces éclairages, portés sur quelques objets textuels qui nous ont paru significatifs, peuvent sembler bien rapides et partiels. La bibliographie sur laquelle s'est très largement appuyée cette présentation renverra le lecteur à des développements plus amples et à des études plus précises. L'inévitable et contraignante sélection que nous avons du opérer ne saurait bien évidemment être représentative de l'ensemble des collections patrimoniales des bibliothèques, et au premier chef de celles de la bibliothèque municipale de Lyon, ici sollicitée. L'éventail des documents choisi est du reste limité d'un point de vue à la fois chronologique (XIVe-XVIIIe siècle) et géographique (productions de la seule Europe occidentale).
Ces livres et documents dits "anciens" qui, on l'a vu, imposent et autorisent différents modes de circulation en leur sein, ne sauraient intéresser que le seul historien du livre ou l'amateur, ni ne satisfaire que nos curiosités patrimoniales. Il n'y a pas de solution de continuité fondamentale entre d'une part ces formes anciennes, et d'autre part les nouvelles technologies, les nouveaux supports du texte, les nouveaux moyens de fixation et d'exposition, de sauvegarde et de conservation, de validation et de transmission des savoirs et de l'information : il n'y a que des évolutions et des adaptations, des inventions et des abandons, des réinventions. La prise en compte d'une histoire longue du livre permet à la fois de mieux comprendre les formes des textes d'aujourd'hui et de demain, et de mesurer l'importance et les déterminations de celles des textes d'hier. Un exemple relatif à l'Internet le montre aisément : les procédés de "navigation" en vigueur aujourd'hui ont recours à des signes et des modes de structuration du texte plus anciens (le balisage, l'hypertextualité, la signalisation des références et des repères...), qui furent le fruit de mises au point successives. De même, la manière dont le texte électronique peut aujourd'hui être indexé, annoté, copié, recomposé, interpolé dans son propre corps, n'est pas forcément d'une radicale nouveauté. Le travail de la lecture, l'appropriation et l'appréhension du livre après sa manufacture ont parfois laissé des traces (signes de lecture, commentaires portés dans les espaces laissées libres par la typographie, interfoliation, truffage...) qui participent aujourd'hui de son "identité".
Archives municipales de Lyon :
1. Maîtrise des ports et passages du baillage de Mâcon, rôle minute des actes et procédures, année 1387. Rotulus de papier et parchemin.
FF 0278
Bibliothèque municipale de Lyon :
2. Biblia latina. cum glosa ordinaria Walafridi Strabonis et interlineari Anselmi Laudunensis. Strasbourg : Koberger, non post. 1480, 3 vol. in-fol.
Tome 1 : [Res. inc. 20
3. PAPIAS. Vocabularium. Venise : Pinzi, 1496, in-fol.
[ Res. inc. 293
4. SCHEDEL (Hertman). Liber chronicarum. Nuremberg : A. Koberger, 12-7-1493, in-fol.
[Res. inc 1056
5. Quincuplex psalterium. ed. J. Lefebvre d'Etaples. Paris : Henri Estienne, 1509, in-fol.
[ 105 024
6. Biblia polyglotta (heb., chald., gr., lat.), ed. Benoît Arias Montanus. Anvers : Plantin, 1569-1572, 8 vol. in-fol.
[20 002, tome II
7. VIRGILE. Opera, com. de Servius. Milan : Leonardo Pachel, 1509, in-fol.
[ Res. 104 950
8. TACITE. Scripta quae extant. Paris : Chevallier, 1608, in-fol.
[ 23 955
9. TACITE. Opera, ed. Gronovius. Amsterdam : D. Elzevier, 1672, in-8.
[ 316 593
10. DESCARTES (René). Les Passions de l'âme. Amsterdam : L. Elzevier, 1650, in-8.
[ 808 809
11. GESSNER (Conrad). Bibliotheca universalis. Zurich : Froschover, 1545, in-fol.
[Res. 109 328
12. GESSNER (Conrad). Historia animalium. Zurich : Froschover, 1558, in-fol.
[Res. 22 702
13. LINNE (Charles). Animalium specierum in classes, ordines, genera, species methoda dispositio... Leyde : Haak, 1759, in-8.
[B 491 031
14. LINNE (Charles). Genera plantarum. Leyde : Wishoff, 1737, in-8, pl. depl.
[ A 491 892
15. Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Paris et Neuchâtel : Briasson, 1752-1772, in-fol.
[ 24 243
3 volumes présentés
:
1 volume de texte : tome 7 (lettres H - T) : Us. 69 B
1 volume de tables : tome II (lettres I - Z) : Us. 70 B
1 volume de planches : tome VII : Us. 71 B
16. APIANUS (Petrus). Cosmographia. Anvers : Buckmann, 1540, in-4, 4 volvelles, carte depl.
[Res. 317 840
17. LEUTBREWER (P. Christofle). Excellente et facile méthode pour se préparer à une confession générale de toute sa vie [La Confession coupée]. Bruxelles : Frick, 1677, in-12.
[ 811 642
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Fayard ; Cercle de la Librairie, 1989, pp. 757-772.
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