n°87

 

 

La sainte Catherine : Culture festive dans l’entreprise

de Anne MONTJARET

par Jean-Pierre BACOT

Sous une verte et jaune couverture, aux couleurs symboliques de son beau sujet d’ethnologue urbaine, Anne Montjaret (1) publie le fruit de ses longues recherches sur une fête de sainte Catherine dont les premières manifestations remontent au XXe siècle, la célébration s’urbanisant au XIXe, et qui prit, plus récemment encore, une place de choix dans le calendrier des entreprises textiles. Placé sous l’égide d’Yvonne Verdier, mère tutélaire des aspects symboliques de la culture féminine et préfacé par Martine Segalen, cet ouvrage bénéficie, outre l’incontestable intérêt de son contenu, d’une présentation soignée.

Si l’on s’en tient à l’époque strictement contemporaine, la journée du 25 novembre fut tour à tour, malgré son origine rurale, la fête parisienne des couturières, puis, dans le même univers professionnel de l’artisanat textile, un objet de débats quant à la contestable image de la femme qu’elle offrait au travers de celles qui avaient atteint sans convoler le quart d’un siècle d’existence et que l’on coiffait d’un signe pour le moins distinctif. Cette date d’automne semble enfin être devenue, largement sécularisée et avec l’aide des pouvoirs publics, celle d’un élément de calendrier de comité des fêtes, une utile composante d’animation touchant essentiellement à Paris une profession : le textile et un quartier : le sentier. Sujets décorés d’une fête d’entreprise et d’animation de rue, les catherinettes et leurs chapeaux fantaisie d’un jour font donc encore recette.

Comment l’une des principales fêtes du calendrier chrétien, l’un de ces temps traditionnels liés à un(e) Saint(e) patron(ne) a-t-elle pu traverser les siècles, la laïcisation, l’urbanisation, le féminisme ? Par la force, ancienne et archétypale de sa manière symbolique de gérer un certain type de rapports humains et de situation sociale, le célibat féminin, explique Anne Montjaret. « Sainte Catherine n’a pas d’aiguille, saint Nicolas lui en passera. . .»

Mais la fête dure également grâce à l’espace de création offert par ces fameux chapeaux qui illustrèrent parfois l’actualité (on vit en certaines années des chapeaux à francisque, d’autres à croix de Lorraine) et furent toujours inventifs, nous dit l’auteur, toujours reliés dans leur composition à la personnalité de celle qui était amenée à porter le sien, à le recevoir des mains d’un saint Nicolas d’occasion. La sainte Catherine a également tenu le choc de la modernité par l’assouvissement d’un besoin de traditions d’une époque qui en perd trop pour ne pas s’accrocher à celles qui peuvent être adaptées. Pour l’auteur, les causes de ce succès constant sont multiples, mais concordantes.

Le symbolisme du couvre-chef sur lequel Martine Segalen insiste dans sa préface, celui des deux couleurs jaune et verte, raviront les lecteurs — fussent-ils occasionnels — de ces études ethnologiques qui nous renseignent en profondeur sur notre mémoire collective. Mais le travail d’Anne Montjaret va bien au-delà, lorsqu’elle se penche sur l’évolution du processus de la fête moderne et sur les modalités de sa prise en compte, dans les entreprises où la couture tient une place importante, par leur direction des ressources humaines, mais aussi par les syndicalistes, les Maires... et les hommes, de moins en moins exclus de cette « célébration semi-sérieuse ».

Il y a encore peu, la sainte Catherine était célébrée dans bien des entreprises, privées ou administratives. Petit à petit, elle se replie dans un espace limité mais cohérent. Il existe bel et bien dans cet événement cyclique et perdurant une convergence d’intérêts. Un lycée, une mairie, un curé, des maisons de haute couture, tous du même quartier et qui participent de la même fête.

Si les enjeux semblent diverger, écrit l’auteur en conclusion, tous se rejoignent sur un point, celui de voir dans la sainte Catherine, une fête des métiers de la mode, ce qui requiert tout à la fois du classicisme, de la création et de l’extravagance, ce qui fait qu’une telle fête n’ignore jamais son époque, s’enrichit de nouvelles formes du social et peut devenir un enjeu du politique comme de l’économie.

(1) Voir, du même auteur, Ethnogiaphie des pratiques téléphoniques de cadres parisiens ou un univers de relations paradoxales in Réseaux 52153, dossier : usages de la Téléphonie

Anne MONTJARET : La Sainte-Catherine, Culture festive dans l’entreprise, préface de Martine SEGALEN, Editions du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, Collection le regard de l ‘ethnologue , n°8, 240 pages, 120 francs, Paris 1997.

 

Cieux noirs et ondes rouges

de Michael NELSON

par Michael PALMER

Ouvrage préfacé de Lech Walesa, et dont le titre-métaphore provient d’un correspondant de l’agence soviétique Novosti, War of the Black Heavens parvient, en quelque deux cents pages, à retracer de manière incisive l’histoire de la propagande radiophonique Ouest-Est au cours de la guerre froide, et de ce long demi-siècle qui l’ouvre et la clôture. L’optique est celle d’un ancien dirigeant de l’agence Reuter qui enquêta longuement et patiemment dans des archives des deux côtés du « rideau du fer , une fois ledit rideau disparu. Par leur précision et leur nombre, les références à des archives souvent inédites, à Moscou notamment, seront d’autant plus précieuses pour les historiens dans les temps à venir que les portes qui s’ouvraient en 1990 se seraient refermées, ou n’auraient été laissées qu'entrebaillées tout au plus par la suite. L’ampleur de l’enquête et des lectures, des deux côtés de l’Atlantique, tant dans les milieux du renseignement et de la diplomatie que dans ceux des professionnels de l’information laisse pantois, d’autant que le tout est servi par une plume qui n’hésite pas à pointer le cocasse tout en cernant le sérieux des enjeux. Divers collaborateurs ont travaillé pour l’auteur, mais la voix « nelsonienne » est assurément unique.

Les réflexions sur la propagande et sur sa portée s’ accompagnent d’une histoire narrative, racontée à la lumière de questions que se pose un ancien responsable d’une entreprise internationale de communication, qui s’interroge sur l’efficacité des moyens déployés par les occidentaux —surtout par les États-uniens et les Britanniques — et par les Soviétiques. Le ton est donné par les deux phrases avec lesquelles s’ouvrent « l’introduction », d’une part, « le prologue », d’autre part : une ironie du sort qui caractérise l’audiovisuel international ; ce que l’URSS entreprit en premier, dans les années 1920 devait contribuer à sa chute dans les années 1980 ; ainsi, cette même radiodiffusion par ondes courtes qu’employaient les Soviétiques dans les années 1920, servit à relier Gorbatchev, isolé en août 1991 dans sa datcha en Crimée, aux informations véhiculées par les radios occidentales, l’aidant ainsi à préparer son retour après le putsch avorté des « communistes d’ancien régime ». Ceci étant, l’analyse de Nelson n’est nullement triomphaliste et pointe les écueils d’une propagande radiophonique diffusée par des acteurs occidentaux, plus « subtile » certes que la soviétique, mais dont la diversité des logiques et des stratégies requiert, en effet, une étude fine. On retiendra, en effet, qu’à en croire plusieurs autorités intellectuelles outre-Manche (George Orwell, A.J.P. Taylor,...) les Britanniques eux-mêmes, ainsi que bien d’autres Européens, n’étaient nullement convaincus en 1945 que le capitalisme et l’« American way of life », tels que le véhiculaient alors bon nombre de ses émissaires — des « G.I. » aux politiques — recueillaient l’unanimité, ni même la majorité, de l’opinion (p. xv).

Ventilé en douze chapitres, centrés sur les vecteurs de la radiophonie internationale dans le contexte de l’après-Yalta et d’avant la chute du Mur de Berlin, War est autant un livre sur les perceptions et les représentations qu’avaient chacun des acteurs des intentions et des moyens des autres, qu’un constat-inventaire de l’efficacité de cette action : on notera à cet égard qu’il y a fort à parier que si jamais les archives des pays satellites de l’empire soviétique — au temps de Staline, de 1947 à 1953, par exemple — deviennent accessibles, l’efficacité de la propagande soviétique sera éventuellement plus documentée qu’elle ne peut l’être pour l’heure. Michael Nelson, pour sa part, n’hésite pas à faire ressortir l’attitude défensive des diplomates et professionnels des milieux du renseignement et de l’information, aux États-Unis lors du début de la guerre de Corée (1950) : la propagande soviétique aurait été alors d’autant plus convaincante que les responsables politiques états-uniens ne parvenaient pas à « vendre » à une opinion récalcitrante la nécessité d’un effort de propagande états-unienne correspondant.

Les principales radios internationales ici étudiées ont pour nom la BBC (External services), Voice of america, et — basées à Munich — Radio Free Europe et Radio Liberation/Liberty ; l’histoire mouvementée de leurs rapports avec leur gouvernement et leur opinion publique (parlementaire surtout) respectifs et de ceux qu’elles entretenaient les unes avec les autres voire avec d’autres vecteurs de communication transnationale, sert d’intrigue secondaire au récit de leur action pour véhiculer l’information dans « l’empire soviétique ». Les autres radios internationales, diffusées depuis l’Occident, font aussi l’objet d’un chapitre ; ainsi est relevé comme indice de l’ importance respective qu’accordaient les autorités soviétiques à Radio France Internationale et à Deutsche Welle, l’hostilité que suscitait la radio allemande ; les Soviétiques brouillaient les émissions de cette dernière et non pas celles de RFI (p. 114). Or, en effet, la question du brouillage des émissions est longuement examinée ; son atténuation en 1963 symbolise la réalisation d’une politique de détente entre les grandes puissances, entraperçue dès avant cette date, mais qui ne s’accéléra qu’aux lendemains de la crise cubaine et des négociations d’alors pour limiter des essais nucléaires.

Ainsi, l’auteur relie les temps forts et les avatars de la radiodiffusion occidentale, après 1955-56 aux péripéties de la politique de détente (p. 91). Mais avant, comme après ce « tournant », il pointe les résistances, et parfois les indices d’éventuels accomodements qu’il y eut de la part des responsables de la BBC ou de la Voix de l’Amérique, face aux interventions de leur gouvernement respectif, destinées àinfluencer telle ou telle émission. Cet examen détaillé des radios lors des crises à l’Est (les soulèvements en Europe centrale et orientale, 1953-56, comme en Tchécoslovaquie en 1968) — allié à l’étude transversale et longitudinale de ces mêmes radios, sous-tend l’ambition de l’ouvrage.

Michael Nelson, comme d’autres avant lui, traite de la difficulté de savoir qui écoutait les radios occidentales : qui écoute quoi, dans quelle langue, et avec quelles conséquences... On se croirait dans l’univers de la mesure des chercheurs empirico-fonctionnalistes qui, aux États-Unis, colonisaient la discipline universitaire naissante dans ces mêmes années 1940 et 1950. (Michael Nelson rappelle — tout comme Christopher Simpson, Science of Coercion, Oxford, Oxford University Press, 1994 — comment certains « pères fondateurs » prestigieux associés aux revues de communication remarquées, avaient travaillé pour le compte de divers services de renseignement ou de guerre psychologique, pendant la deuxième guerre mondiale) . Derrière « le rideau de fer », mesures quantitatives et données empiriques ne pouvaient être collectées comme le souhaitaient les chercheurs « back in the US of A ». Pourtant, l’ensemble des indices fragmentaires et des sources multiples dont disposaient les responsables des radios occidentales, au début des années 1960, et que présente Michael Nelson, donne crédit à l’observation de l’auteur, lorsqu’il affirme (p. 117) que la fin du brouillage des émissions occidentales en 1963 par les autorités soviétiques, provenait non pas de la conviction que le « système sociopolitique » soviétique était tout à fait en mesure d’absorber une infomation non-contrôlée, mais bien plus du sentiment qu’elle était un préalable nécessaire à la détente, et du constat que — brouillage ou non — une partie importante de la population de l’URSS et des pays satellites écoutait bel et bien les radios occidentales.

Ce qui serait vrai pour certains auditeurs au début des années 1960 devait se généraliser par la suite. Une vingtaine d’années plus tard, l’accident nucléaire de Tchernobyl en avril 1986 — et les aléas de la couverture qu’en faisaient, et avec retard, les autorités soviétiques, —mettraient « fin au mensonge » : Nelson reprend ici la formule de Hélène Carrère d’Encausse. La lecture des trois derniers chapitres — consacrés, pour l’essentiel aux années 1979 à 1991 — démontre le même souci de consulter sur cette période le maximum de sources possibles : ainsi, les journalistes russes et occidentaux, tels le correspondant de Reuter à Moscou, Robert Evans, sont souvent cités en référence. On est presque amené à regretter que les archives des radios occidentales, et des ministères avec lesquels elles travaillaient, livrent ici moins de « perles » sur la complexité des rapports entre ces divers acteurs, que lors des chapitres antérieurs . Pour cette période, lectures et entretiens s’accompagnent du dépouillement des archives BBC du service d’écoute (d’autres radios) et de celui des études d’audience réalisées par les diverses radios occidentales. Tchernobyl exemplifie l’importance de l’impact de ces radios : ce n’était pas la première fois qu’elles dévoilaient un mensonge ; en revanche, les craintes suscitées et les conséquences possibles pour tant d’habitants — en Union soviétique comme ailleurs — ajoutées àl’embarras que montraient les autorités soviétiques pour en parler, amplifiaient l’impact des informations livrées par les radios occidentales. (On pourrait rappeler, ici, qu’initialement, les médias occidentaux annonçaient que l’explosion était survenue non pas dans une mais dans deux centrales nucléaires) .

Interprétation simplificatrice, peut-être, mais lorsque l’on aborde la lecture des touts derniers chapitres, il apparaît que la multiplicité des vecteurs transnationaux d’information — les télévisions tout comme les agences — complique quelque peu un récit centré sur les radios internationales . Or l’auteur rappelle ici l’importance que des acteurs — tels Lech Walesa — accordaient au rôle d’une radio comme Radio Free Europe : la Pologne, surtout, d’où partaient « les révolutions en Europe orientale », serait l’espace qui illustre le plus la portée de l’action de ces radios. L’ampleur des moyens qui leur furent consacrés — par Ronald Reagan, par exemple — et la violence dont elles font l’objet — en février 1981 une bombe endommagea le siège de RFE/RL à Munich — témoignent de leur importance. Michael Nelson intègre les pratiques télévisuelles tant des autorités soviétiques que du téléspectateur — « lambda » et curieux en Allemagne de l’Est, pour mieux situer l’impact qu’avaient alors les radios et autres vecteurs occidentaux. Ainsi, en 1987, la politique de « glasnost » entraînait la fin du brouillage de certaines radios ; en mai 1988, pendant le sommet de Moscou, les membres du comité central du parti s’habituèrent à regarder CNN ; en août 1991, au cours du putsch contre Gorbatchev, « l’homme de la rue »en fit autant. Et Nelson d’insister sur des paramètres spatio-temporels relativement complexes : lors des événements révolutionnaires de 1989, les gouvernements d’Europe centrale et orientale réagissaient différemment pour déterminer la politique de couverture permise aux médias de leur pays respectif. Effet de retroaction que ces images captées en Roumanie de la télévision hongroise couvrant les soulèvements en Roumanie ; ou alors ces images de la police est-allemande qui s’attaque à la foule lors d’une visite de Gorbatchev à Berlin-Est, images que rediffusent les Allemands de l’ouest à l’intention des Berlinois de l’est (pp. 183-184).

L’ouvrage de Michael Nelson soulève une question de fond qu’ont traitée du reste d’autres livres récents ainsi que les commentaires parus à Londres après leur parution : comment évaluer l’action des radios occidentales dans l’implosion des régimes de l’URSS et du pacte de Varsovie ? Le rapport de « cause à effet » n’est pas établi, et la question est par trop réductrice ; mais l’auteur multiplie les indices pour que l’on se rende compte de l’action cumulée de ces radios ; elles auraient surtout maintenu et nourri l’esprit critique de ceux qui parvenaient à les capter, et produisaient dans cette démarche un effort conséquent.

Michael NELSON : Cieux noirs et ondes rouges. War of the Black Heavens, Brassey’s, Londres, 1997.

 

La liberté au bout des ondes

de Jacques SEMELIN

par Michael PALMER

« Du coup de Prague à la chute du mur de Berlin » : le sous-titre de l’ouvrage de Jacques Sémelin suggère l’angle d’attaque qui est le sien — c’est-à-dire, pointer, comment en Europe centrale et orientale, depuis les années cinquante la communication et la résistance ont inter-agi afin de prendre le pas, in fine, sur les dispositifs des régimes en place, vecteurs de propagande sur le modèle stalinien. « La dynamique du Printemps de Prague naît... de la libéralisation des médias », lit-on à la p. 112 ; cette phrase constate l’aboutissement d’un processus : « je voudrais montrer ici », remarque Sémelin en introduction, « comment au sein même des dictatures communistes, se sont installés, parfois très tôt, des espaces de libre communication entre individus, d’abord cachés puis de plus en plus publics » (p. 17) ; centrée sur les médias polonais, tchèques et hongrois, l’analyse identifie comment la résistance prend forme, s’organise, s’amplifie, à travers l’usage des médias — médias qui embrassent les « samizdat » et les « tamizdat », aussi bien que les médias dits « grands » ou « classiques » (p. 50).

L’ouvrage comporte trois parties. Sémelin y entrecroise tour à tour des approches qui viennent de l’histoire, de la science politique, des relations internationales, de la fréquentation des journalistes et d’autres acteurs et médiateurs, mais aussi de la lecture de Jurgen Habermas. Ainsi, si la première partie de l’ouvrage traite des « ponts radiophoniques », lancés depuis l’Ouest — cette communication « Osuest-Est », dont, au départ, la BBC et la Voix de l’Amérique étaient les vecteurs principaux — on arrive, en deuxième partie, à ce qui préoccupe essentiellement l’auteur : comment, alimentée par les révélations du rapport Khroutchev, la contestation interne prit forme, et ce, surtout, en Pologne et en Hongrie ; en effet, s’y développait, vers 1955-56, « un espace de discussion critique et de formulation de l’action politique, distinct de la sphère étatique »(p. 105). Ce fut l’époque de la communication « Est-Est », période au cours de laquelle l’Ouest faisait preuve « de la plus coupable des passivités », notamment à l’occasion de l’insurrection hongroise de 1956 et du Printemps de Prague en 1968. La troisième partie, organisée autour de l’axe communication « Est-Ouest-Est », scrute comment les radios occidentales reçues à l’Est servaient de relais aux mouvements de dissidents, qui y voyaient ainsi un moyen de communiquer pour résister : ainsi les stratèges de Solidarité en Pologne parvenaient-ils à faire entrer la société civile dans la résistance civile ; cette dynamique de résistances et de « micro-résistances », devait impulser des mouvements analogues ailleurs en Europe centrale et orientale.

La finesse de l’analyse s’accompagne d’une construction intellectuelle fort égélante. Dès la première partie, Sémelin classe les radios occidentales en radios de représentation (BBC ou VOA), radios de substitution (RFE, RL), auxquelles s’ajoutent des radios religieuses (Radio Vatican). Il s’intéresse longuement aux signes qui permettent, de manière indirecte, de saisir l’impact et la portée de l’audience de ces radios, et ce, au début de la guerre froide, comme par la suite. Il relève, avec d’autres, comment les autorités soviétiques redoutaient surtout l’impact des émissions d’information des vecteurs occidentaux mais que — les années passant — ce serait le « way of life » américain et britannique — de Sydney Bechet aux Beatles — qui attirait tout autant les auditeurs à l’Est (p. 91). Bien plus qu’un travail de synthèse sur de nombreux travaux en plusieurs langues — qui, en soi, est remarquable — La liberté, . . intègre des approches communicationnelles — sur la co-construction du sens d’un message, par exemple (p. 127), ou sur la dissonance cognitive (p. 105), et l’apport des témoignages d’acteurs divers recueillis notamment à Prague, à Varsovie, à Budapest et à Leipzig. En effet, sur ces quelques trente-cinq ans du milieu des années 1950 à la fin des années 1980, l’espace de prédilection pour l’auteur est ce quadrilatère Pologne-Hongrie-Tchécoslovaquie-RDA. La chute du mur de Berlin vient en point d’orgue : symbole à trois titres, il serait le mur de la peur qui passe à travers chaque individu, le mur géopolitique Est-Ouest, édifié non pas lors des accords de Yalta mais en 1956, lorsque les Occidentaux n’interviennent pas lors de la tragédie hongroise (p. 309) — et le mur physique, construit en 1961.

Pour Jacques Sémelin, le déclin de l’audience des radios occidentales s’est amorcé bien avant 1989. De même pointe-t-il l’absurdité des thèses défendues par l’URSS, tendant à s’opposer à la diffusion de radios internationales qui violeraient ainsi la souveraineté nationale : en effet, dès les années 1950, les ondes des émetteurs de la RFA et de la RDA pénétraient largement le territoire voisin. Ainsi, plus on avance dans la lecture de Sémelin, plus se renforce son objectif principal : les liens entre communication et résistance, notamment au sein de la société civile en Europe centrale. Plus on avance dans la lecture de Michael Nelson, plus on sent les difficultés du régime soviétique à maintenir un dispositif hérité du temps de Staline. Nelson identifie de nombreuses incohérences : voulant supprimer la production de radios ondes courtes, pour qu’on ne puisse plus capter les émissions occidentales, les autorités soviétiques parvinrent à faire le contraire, la production continue des postes en question nécessitant par conséquent des dépenses toujours plus élevées afin de brouiller ces émissions. Sémelin présente Staline en tyran (p. 103). Et si, à bien des égards, la tyrannie n’est plus ce qu’elle était, Nelson et Sémelin démontrent comment l’ adiovisuel international y a contribué.

Jacques SEMELIN : La liberté au bout des ondes, Belfond, Paris, 1997.

 

La vidéo dans tous ses états Dans le secteur de la santé et le secteur social

de Denis RESERBAT-PLANTEY

par Benoît DARDELET

Peu habitué à l'utilisation innovante des médias, le secteur de la santé tend pourtant de plus en plus à devenir générateur de situations où ceux-ci viennent interférer dans son déroulement traditionnel. L’étude très illustrative du phénomène d’un bébé maltraité ouvre le livre de Reserbat-Plantey. Dans un hôpital, un nouveau-né victime de sévices est amené et soigné dans un service d’urgences, et son dossier médical contiendra la bande vidéo qui a enregistré les soins . Celle-ci sera ensuite saisie par les juges comme justificatif et constituera le motif principal de la condamnation des parents. L’enfant est sauvé, mais la famille détruite. L’enregistrement qui ne devait servir que comme archive d’une « intensité exceptionnelle » est devenu témoin principal.

Partant de ce cas vécu, l’auteur pose alors la question de savoir si la vidéo est une pratique à risques, et quel est leur nature. Le secteur socio-médical a toujours eu à traiter un manque de synchronisation entre les maladies observées par ses spécialistes et les manipulations que l’on pouvait exercer sur le corps de l’autre grâce aux nouvelles technologies, comme les études de Foucault l’on bien montré. De façon à clarifier cette distorsion, le descriptif de l’histoire des médias, et surtout de la télévision est expliqué dans le début du livre, l’auteur focalisant rapidement sur les expérimentations françaises . Il rappele que les phénomènes importants que le secteur ait connu dans ce domaine commencèrent avec l’apparition de la communication d’entreprise, qui devait à l’origine construire des vitrines garantissant l’image et qui eurent souvent des effets indirects que leur commanditaires ne souhaitaient pas . Ces mêmes constats furent faits lors des premiers essais en matière d’enseignement, où le passage de l’écrit au visuel ne se résumait pas seulement en une transposition du média papier sur l’écran. Il fallait repenser le contenu pour ce nouveau média, et l’adapter de façon à obtenir le même résultat, ou au minimum un résultat complémentaire, du type des liens cinéma-théâtre, voire le déformer en le détournant à la manière des surréalistes, comme dans le cas de l’Art-Vidéo où seule la recherche artistique justifie l’existence de films. Même si les causes ne sont toujours pas sûres, ce fut l’avènement de la vidéo légère et de la cassette qui permit une explosion des pratiques. Si Monsieur tout le monde pouvait enfin devenir son propre directeur artistique, avec les performances que l’on connaît, le support permettait en même temps à l’auteur de filmer à l’instant donné le sujet voulu, plutôt que de devoir reconstituer la situation à l’avance en studio. La caméra pouvait être posée en témoin silencieux de la réalité quotidienne.

Or c’est justement cet aspect que le milieu sanitaire et social chercha à exploiter, avec les mêmes conséquences que celles que la communication d’entreprise avait connues . Réaliser des films demande une formation, et surtout, la production sollicite de connaître le sujet à filmer. Le film doit cerner le public qu’il serait prêt à atteindre, sous peine de montrer une incompétence, et ce quand bien même le sujet serait d’importance. Les maladresses des premiers essais furent cependant passionnantes. Ce phénomène de distorsion fut en effet tout spécialement visible durant les tentatives faites par les hôpitaux psychiatriques, où les films eurent immédiatement une vocation de thérapie, de mise en évidence de certaines attitudes et gestuelles que des comportements de groupes ou individuels possédaient. Pour résumer, en psychiatrie, le dix-neuvième siècle fut celui de l’observation, la psychanalyse anonçant une période d’écoute dès le début du vingtième. À la veille du début du troisième millénaire, les yeux constituent le nouveau vecteur du rapport de soi à autrui. R. Neuberger, psychiatre souligne à cet égard qu’ il est beaucoup plus intéressant de regarder les gens qui ne parlent pas, que les visages sont une source d’information considérable... ». Pendant la discussion on passe à coté de choses hallucinantes. En visionnant les bandes, je me rend mieux compte du dynamisme de la séance, j’observe les décalages. « La caméra filme, sans états d’âme, sans discontinuité, témoin d’un instant. Mieux qu’un miroir qui ne saurait que refléter, le film permet de saisir l’instant, mais aussi de conserver une trace de l’instant : la même personne, dans la même situation, mais forcément à des moments différents, permet de saisir les évolutions, et ce tout spécialement dans le cas des enfants.

Or la visualisation d’actes passés, suppose que plusieurs questions tenant à l’image soient résolues. Comme le commente l’une des patientes « Ta caméra, c’est des jumelles qui racontent des histoires. La perception visuelle repose sur une alchimie, aussi bien physique, due aux capacités visuelles de la personne, que sociale. Les sens de l’image et la communication qu’ils apportent sont des éléments d’une rhétorique apprise. Non seulement quant au contenu visuel, mais aussi contextuel, comme les travaux de Piaget sur les mouvements de personnage dans une pièce le démontrèrent. Mais à celui pour qui l’image ne ressemble pas à des schémas connus, l’identification reste impossible. Reste cependant le cas où cette image devient aussi support d’apprentissage, révélatrice d’une ignorance à acquérir, ou d’une ignorance qui risque d’être problématique. La problématique est alors de savoir si l’on peut tout montrer à ces patients, et surtout si on peut moralement montrer leur propre image.

L’image est également gérée par la loi, et il existe à ce titre différents facteurs à prendre en compte. Des éléments juridiques permettent certes de définir aujourd’hui la personne humaine, ses droits et de ne pas altérer sa capacité d’en jouir. Mais plus encore, les images, animées ou pas, appartiennent à la personne, et se rattachent alors à sa vie privée. Dans le cas étudié en introduction, jamais les images du nouveau né ne seraient sorties du dossier médical si le juge ne les avait demandées. Les récents scandales qui firent la une des journaux fournissent de tristes exemples d’images exposées scandaleusement. L’image ne peut être utilisée, dans le cadre médical sans le consentement explicite du sujet. Cependant, dans le cas de recherches et de travaux, des dérogations existent si l’identité est préservée, ou si le mode de réalisation a été fait en consentement avec le sujet. D’une manière générale, ces images restent la propriété du patient et donc sont soumis au secret médical.

Doit-on alors parler d’une nouvelle pratique médicale, au moment où la galaxie Gutemberg est revue et corrigée par les enfants de Marconi, échangeant leurs rapports papier par des images colorées ? L’auteur cherche à justifier la présence d’un secteur vidéo au sein du secteur médical, mais qui reste étroitement lié à ses commanditaires, autrement dit les médecins. Les cas présentés tendent à montrer que la vidéo devrait être perçue comme une pratique à part entière, car elle comporte comme les autres professions médicales des risques. Depuis le risque extrême, comme celui du bébé martyrisé devenant témoin, jusqu’à l’espionnage clinique, où des tiers observent et tentent de cloner l’expérience, ou l’enseignement, cas typique où le contenu devient sujet de choix stratégique. Mais des films peuvent être aussi réalisés à l’intention pédagogique de spécialistes, ou comme «vitrine» de l’hôpital grâce à leurs vertus quasi hypnotiques et leur forme de spectacle. Enfin l’image peut avoir un caractère de vulgarisation qui permet de se soigner, ou de faire communiquer un savoir au plus grand nombre, avec, là aussi, une contrainte de fascination qu’elle peut générer et dont leurs auteurs doivent avoir conscience. Dans ce cas, les questions du droit à l’image et du législateur réapparaissent, car l’accumulation d’informations au sein de centres médicaux représente un formidable pouvoir et un enjeu considérable, pour celui qui sait en tirer partie, ceci d’autant plus que des banques de données sont désormais formées et facilitent la recherche. Des centres d’archives se relient entre eux. Des connexions s’établissent. Ces derniers points sont à mettre en adéquation avec l’explosion des réseaux informatiques, et du plus célèbre d’entre eux, l’Internet. Déjà des banques d’images sont en libre circulation, et des consultations peuvent se faire. Et cette croissance ne devrait pas s’arrêter, quand de plus en plus d’hopitaux ouvrent leurs ressources au monde virtuel.

La conclusion de Reserbat-Plantey sera donc de conseiller au médical de savoir bien gérer tout projet de croisement de l’image et des soins afin de construire un cadre déontologique solide. Il est nécessaire de penser avant de filmer, de clarifier les sujets et les méthodes pour ne pas se comporter en «analphabètes de l’image». Le processus de création estime notre auteur, doit aujourd’hui passer par trois démarches : une reconstruction presque magique qui séduit tant elle fait souvent oublier les questions sur sa raison d’être, le choix de la position du preneur d’image dans le milieu médical, le bon cadrage des contenus et enfin la possibilité de retours indispensables au cours de la réalisation. Il est nécessaire de rappeler que le rapport au réel de l’image possède trois valeurs, une de représentation, celle qui figure des choses concrètes (un feu rouge), une valeur de symbole, les choses abstraites (une signalisation routière), et une valeur de signe définie par Arnheim comme « une valeur qui figure un contenu dont l’image n’est pas le reflet réaliste, dont le signifiant visuel n’a qu’un rapport arbitraire avec son signifié » (au rouge l’on s’arrête). De telles contraintes peuvent faire percevoir le projet médico-imagé comme impossible. Or, nous dit l’auteur, c’est cette complexité qui justifie la raison de la mise sur film de la pratique : le contenu engendre les réactions, même si la mise à disposition d’informations n’est pas assimilable à une augmentation de la connaissance acquise, n’en déplaise aux inconditionnels d’Internet. Le jeune homme qu’est aujourd’hui devenu le bébé martyr et soigné ne saurait faire mentir l'auteur.

Denis Reserbat-Plantey « La vidéo dans tous ses états. Dans le secteur de la santé et le secteur social » L’Harmattan, Paris 1997.

 

Ethique-Esthétique-Politique

Introduction de Christian CAUJOLLE

par Française DENOYELLE

Catalogue des Rencontres internatiornales de la photographie 1997, à la croisée de l’engagement et de la mémoire, Éthique-Esthétique-Politique s’articule autour d’une double problématique et vient fort à propos rappeler, à une époque où la photographie contemporaine se veut plasticienne, la contribution spécifique et l’éclairage particulier qu’elle apporte à ces questions.

Trois chapitres structurent le livre : « le devoir de mémoire », « les formes de l’engagement », « les tentations du pouvoir ». Une iconographie exceptionnelle par sa qualité, sa pertinence, son originalité, pointe les enjeux, apporte des points de vue différents, complémentaires même s’ils apparaissent parfois contradictoires. « Le devoir de mémoire » présente « S 21 ou le cauchemar cambodgien » des photographies prises dans l’ancienne école supérieure Tuol Sleng de Phnom Pen transformée par les Kmers rouges en centre d’extermination. La plupart des vingt mille Cambodgiens exécutés entre 1975 et 1979 dans ce camp rebaptisé S 21 furent photographiés par un gamin, fils de paysan pauvre choisi par deux lieutenants de Pol Pot parce qu’il était fils « d’un vrai paysan ». ils l’envoyèrent à Shangai, où il se forma. À son retour, en mai 1976, à l’âge de 16 ans il devint photographe en chef de Tuol Sleng et responsable de cinq apprentis. « En général, je prenais les photos à l’arrivée des prisonniers, après qu’on leur avait accroché un numéro avec une épingle, parfois à même la peau quand ils arrivaient torse nu » (p. 72). Ces photographies prises en quelques secondes (à partir de 1977, il arrive jusqu’à six cents personnes par jour) servent de preuve de l’exécution. Après l’entrée des Vietnamiens dans Phnom Pen, Nhem Ein rejoint, avec ses camarades, la jungle du nord. Ses images ont été exposées pour la première fois, en 1979, pour que les habitants de Phnom Pen viennent voir s’ils retrouveraient, parmi les sept mille visages, des membres de leur famille. Depuis Tuol Sleng a été transformé en musée mémorial.

Ces portraits ou plus exactement leur utilisation posent avec force le statut de la photographie. À l’origine annexes de procès verbaux d’exécutions, archives d’un génocide programmé puis témoignages de l’histoire d’un peuple et présentées comme telles à Phnom Pen elles ont acquis depuis un statut qu’on a peine à qualifier « d’artistique ». Elles sont néanmoins, pour plusieurs d’entre elles, entrées dans les collections des musées d’art moderne de New York, San Francisco, Los Angeles. Ne sommes-nous pas dans la confusion des genres ?

Éthique-Esthétique-Politique a le mérite de restituer clairement le cadre historique et idéologique, de bannir le voyeurisme et la morbidité. Les photographies font écho à d’autres images dont le seul vis-à-vis épargne bien des discours et souligne le lien ténu qu’entretient la photographie avec l’exigence de mémoire qu’impose un siècle trop familier de la barbarie. Sur une double page figurent à gauche, les enfants juifs d’Izieu, été 1943, un groupe rieur dans l’insouciance des vacances, à droite une photographie de Stéphane Duroy prise dans le musée d’Auschwitz en 1992 où s’alignent, au-dessus de quelques vêtements témoins (brassières, petites chemises), les portraits anthropométriques d’enfants en costumes rayés, eux aussi affublés d’un numéro. Autre vis-à-vis où Histoire et actualité appellent au « devoir de mémoire » : à gauche, « Femme algérienne, 1960 » de Marc Garanger, à droite, « Algérie 1994-1997 »Photos AFP de Hocine Zaoura. En 1960, Marc Garanger fait son service militaire en Alégrie. On lui demande de photographier les civils. Il a ainsi photographié deux mille personnes, en majorité des femmes de la campagne. « Elles étaient dans l’obligation de se dévoiler... J’ai reçu leur regard à bout protant, premier témoin de leur protestation muette. » (p. 56) Les photographies de l’AFP avec leur brève légende « Femmes pleurant et criant lors des funérailles de dix-huit civils massacrés mardi », « Hommes devant les corps, ensevelis dans le drapeau algérien, de dix-huit civils massacrés », laissent au lecteur la prise en charge du récit.

Le chapitre « devoir de mémoire » rassemble dans une longue litanie les victimes de l’Histoire : cadavre dans une tranchée de la Meuse en 1916, rescapés de Nagasaki, portraits de déportés du goulag, « Le Silence Rwanda » une installation de Gilles Peress où s’alignent en rangs serrés les images d’un autre carnage, « Les martyrs de Cana » simples portraits d’amateur des victimes du massacre de Cana perpétré en 1996 qui, la veille du 18 avril trônaient encore sur le poste de radio ou dans des modestes albums familiaux. Autant d’images qui nous renvoient à la formule glacée de Pierre Dac, « L’avenir est devant nous et on l’a dans le dos chaque fois qu’on se retourne ».

En ce qui concerne le choix des photographies deux observations s’imposent. Prompts à analyser, commenter le passé des autres, les Français ont la mémoire singulièrement « oublieuse » en ce qui concerne leur propre passé. N’y a-t-il aucune photographie des camps de Drancy où transitèrent vers les camps de la mort près de 90 000 Juifs, de Gars, Rivesaltes, mis en place pour « accueillir » les réfugiés de la guerre d’Espagne, n’y a-t-il aucun document (autre que ceux de Marc Garanger) sur nos guerres coloniales ? La guerre du Rif par exemple si déterminante en ce qui concerne l’engagement politique des surréalistes (Aragon-Breton), n’a-t-elle pas été couverte ? Seconde observation l’absence totale d’images qui ne soient pas « cicatrice de l’inoubliable » mais au contraire preuve des capacités humaines à résister, affirmer sa dignité, conquérir sa liberté. Les reportages ne manquent pourtant pas sur la guerre des pierres des enfants palestiniens, sur la fin de l’Apartheid dans Sowetho.

La deuxième partie, consacrée aux formes de l’engagement, question récurrente dans l’histoire de l’art du XXe siècle, aborde le sujet de plusieurs manières. D’un point de vue historique quand art et politique se rejoignent et lient propagande et avant-garde. Rodtchenko, Klutsis, Lissitzki imposent une nouvelle représentation formelle d’un monde à la mesure de leurs rêves. Leurs élans seront de courte durée et l’esthétique qu’ils ont forgée dans les tracts, magazines, affiches s’enlisera vite dans un réalisme socialiste conventionnel. Autre forme d’engagement : la prise de position par rapport à l’histoire de la photographie telle qu’elle s’est constituée pendant un siècle et demi. Des artistes comme Mathieu Pernot, Eva Leitoîf ou Klavdij Sluban élaborent des solutions plastiques qui par la médiation de l’image traitent de la situation du monde . Troisième type d’approche : la place de l’individuel dans le collectif. Des artistes aussi différents que Nan Golding, Sophie Calle, Annette Messager ou Christian Boltanski s’interrogent sur des faits de société à travers un vécu individuel. Aux deux extrêmes on retrouve un discours critique sur le monde, la ligne de partage se situant entre ceux qui privilégient un travail sur le médium et ceux qui choisissent de se situer par rapport au monde.

Muntadas utilise le matériel des médias : micros, téléviseurs, une des journaux, etc., pour analyser et stigmatiser la construction médiatique de la réalité. Ses travaux s inscrivent dans la culture du quotidien, du spectacle en tant que valeur d’échange. « Word : the Press Conference Room » est une installation qui utilise les conventions visuelles du spectacle et établit les nouveaux codes de relations . La transformation de la conférence de presse en scénographie comme « lieu du crime » interroge à la fois le spectateur et le journaliste sur le contrôle des centres émetteurs de l’information. Tout autre est la démarche d’Eugène Richards.

On dit que les drogués du crack ont tous le même visage et c’est probablement vrai.., mais moi j’y trouve autre chose «(p. 102), le propos d’Eugène Richards résume l’ensemble de son travail sur les marginaux aux États-Unis. Ses images fragmentaires des laissés pour compte de l’American Way of Life vont au coeur de la déchéance humaine. Leur capacité de provocation et de violence déconcerte quand elle n’est pas récupérée. Ainsi les premières, de familles entières de drogués, d’adolescentes prostituées, de gamins arborant des armes automatiques parurent dans Life et furent reprises par la presse mondiale. Mais quand, il rassemble dans Cocaine True Cocaine Blue les portraits successifs d’une prostituée dont chacun d’eux, au fil des années, dresse le constat de sa déchéance, les militants des quartiers pauvres dénoncèrent avec force le travail d’Eugène Richards. Il en fut de même pour The Knife and Gun Club un livre financé par le Prix Fugène Smith. Eugène Richards photographia les urgences de l’hôpital central de Denver. Il montra l’acharnement des médecins et du personnel hospitalier, mais aussi leur cynisme, leur prostration et leur lassitude devant les victimes des guerres urbaines de Denver : « une avalanche de seringues, de fibrillateurs, de torses inanimés sillonnés de points de suture, d’ambulanciers speedés et d’infirmières effrondrées d’épuisement « (p. 105). Tout en poursuivant son travail sur l’hôpital, Richards sillonna l’Amérique des laissés pour compte et rassembla ses images dans Below the line : living poor in America couronné par le prix ICP en 1987, mais il resta un marginal et ce n’est qu’au début des années quatre-vingt-dix qu’il est véritablement reconnu bien que ses motivations soient souvent critiquées tant l’image qu’il renvoie de l’Amérique est peu conforme au politically correct ». Ce à quoi il répond :« Les gens trouvent mon choix de sujet aberrant, mais c’est parce qu’ils n’ont pas compris que pour la majorité de la population mondiale, la pauvreté et la maladie représentent la norme. La réalité, c’est ça et les bizarroïdes, c’est nous, les Américains blancs de la classe moyenne » .

Les portraits d’Anthony Aziz et Sammy Cucher bien qu’aux antipodes de ceux d’Eugène Richards n’en sont pas moins aussi subversifs et dérangeants. Leurs images numériques alliant terreur et humour grinçant naissent en plein retour de l’ordre moral aux États-Unis, à l’époque où Mapplethorpe ou Witkine sont victimes à la censure. Faith, Honor and Beauty par dérision propose une image « idéale » d’une société dont l’esthétique renvoie à l’art publicitaire et au sitcom, un art officiel où l’obscène est banni. Entre allégorie et prophétie la nouvelle race humaine proposée par Aziz et Cucher se réfère à la statuaire nazie et laisse percer un eugénisme sous-jacent. Grands, blonds, nus, les personnages portent des accessoires symboliques de la société de consommation (ordinateur, bébé aux normes des spots publicitaires, camescope). Amputés de leur attribut sexuel ils incarnent les rêves d’une société américaine blanche, pudibonde gangrénée par le politiquement correct, un monde de poupées Barbie. Avec Dystopia (1994-1995) les portraits passent du sarcasme à la terreur, dans une vision hallucinée qui modifie la problématique la faisant passer de « Qu’allons-nous faire de la technique ? » à « Qu’est-ce que la technique va faire de nous ? » Les êtres appartiennent à un cybermonde, un univers virtualisé aux infinies possibilités où l’engagement du corps est devenu obsolète. Téléprésence, téléactivité, cybersex, la prothèse technologique appelle la disparition des organes des sens. De là ces êtres qui ne sont pas amputés mais dont les yeux, la bouche et en partie le nez ont disparu suivant un processus qui semble parfaitement naturel, la peau ayant repris ses droits sur des orifices devenus inutiles. Ce constat terrifiant soustendent la nécessaire réappropriation du corps face au corps virtuel et bouleverse les conventions du portrait. La vision de la peau se substitue à celle du visage. Aziz et Cucher ont été formés par les travaux d’artistes comme Beuys ou Kosuth même si leur production artistique est très différente ils revendiquent l’apport de Debord, Baudrillard et Barthes et présentent leur travail comme anthropologique parce qu’il interroge la culture contemporaine.

Troisième partie : la tentation du pouvoir. Le portrait est toujours une lutte contre la mort, contre l’oubli. Que ce soit dans les pratiques populaires ou les portraits officiels des gouvernants l’image est là comme une preuve d’existence, d’affirmation sociale voire politique. De là les poses convenues et stéréotypées des rois, des papes puis des présidents, de là l’abondance de signes comme emblèmes de la fonction. Les représentations du chef de l’État français, en 1940, rompent avec l’insignifiance des photographies des présidents de la IIIe république. À la froideur, la faiblesse et l’impersonnalité de la république défunte l’iconographie vichyssoise substitue l’image d’un chef qui incarne le « vrai visage de la France » et regarde chaque Français dans les yeux. De là le plan très rapproché (totalement exclu jusqu’alors dans l’iconographie présidentielle) d’un visage labouré de rides, au sourire triste du « Maréchal-Christ » toujours prêt au sacrifice de sa personne.

De Gaulle, en 1958, renoue avec la tradition de la IIIe république : la main posée sur un livre, il substitue seulement au fond neutre, la bibliothèque que Pompidou et Mitterrand conserveront. L’apparition de la couleur ne modifie en rien les codes du portrait officiel définis à la Renaissance. (Philippe Il d’Espagne a la main sur une table dans une pose qui restera immuable dans les portraits de président jusqu’à Georges Pompidou.) La République ne chercha pas à inventer mais à pérenniser une forme qui n’avait rien de républicain. Giscard d’Estaing, le premier, fait appel à un photographe connu : Jacques-Henri Lartigue. Le président, en costume de ville, sans autre attribut de sa fonction que la légion d’honneur pose sur fond tricolore. L’aspect décontracté du personnage, par opposition au maintien très compassé de De Gaulle et de Pompidou, le choix du plein-air ensoleillé composent une image aux allures publicitaires. Le président au teint hâlé sou rit et semble sortir d’un clip vantant son septennat. Mitterrand, avec Gisèle Freund pour photographe, renoue avec la tradition. La bibliothèque comme fond est réintroduite, Gisèle Freund ne réalise pas une photographie d’auteur mais se plie aux codes du genre. Bettina Rheims, pour Chirac, rompt avec l’immobilisme de ses prédécesseurs . Chirac semble attendre ses invités devant le palais présidentiel mais il ne sait que faire de son corps qui penche vers la gauche comme s’il voulait ostensiblement sortir du cadre. Son sourire contraint renvoie à l’esthétique du reportage télévisé.

Sans vouloir être exhaustif Éthique-Esthétique-Politique rassemble des points de vue et surtout offre au lecteur outre un texte de Paul Vinlio : « Des apparences à la transparence » des travaux de photographes souvent peu ou mal connus en France que nous n’avons pas tous évoqués comme Jeff Wall ou Sigmar Polke. Dans le flot des images événementielles d’un présent instantané que diffusent les médias les images et les textes tentent de donner sens à un contenu difficilement cernable, de cibler les enjeux et de montrer les limites et les infinies possibilités du média.

Éthique-Esthétique-Politique, introduction de Christian CAUJOLLE. Actes Sud/Rencontres internationales de la photographie, Arles 1997, 315 p, 230 F.

 

Les rapports presse-politique. Mise au point d’une typologie «idéale»

de Jacques LE BOHEC.

par Monique FOURDIN.

Les ouvrages ou les articles qui traitent de la question des rapports entre les journalistes et la politique sont légion. Cependant, la littérature sur le sujet est généralement plus prescriptive ou accusatrice qu’analytique. L’intérêt de cette contribution est précisément de sortir de la « logique d’imputation de responsabilité » qui caractérise les essais et autres discours dénonciateurs,

et de tenter de mettre à jour les contraintes et les ressorts du jeu presse-politique. À partir du concept d'idéal-type emprunté à Max Weber, l’auteur a forgé une grille de lecture dont il espère qu’elle sera capable de rendre compte de la diversité des usages sociaux du mot « démocratie » et des configurations des rapports presse-politique . Cette formalisation est censée répondre à une série d’interrogations lancinantes et récurrentes : pour quelles raisons ces relations sont-elles plus ou moins coopératives ou conflictuelles ? Quelles sont les stratégies des sources d’information politique à l’intention des rédacteurs ? Qu’est-ce qui permet d’expliquer les différences de conception de leurs rôles sociaux respectifs ? Pourquoi les rédacteurs se réfèrent-ils à des acceptions différentes du « rôle démocratique de la presse » ? etc.

En ce sens, il s’agit bien du premier ouvrage général français de facture sociologique centré sur la question des relations entre les hommes politiques et les journalistes de l’écrit ou de l’audiovisuel. Les développements s’organisent en trois parties.

Dans un premier temps, l’auteur passe en revue les difficultés heuristiques qui font obstacle à l’appréhension des rapports presse-politique en tant qu’objet scientifiquement construit. L’adoption d’une posture sociologique suppose que le chercheur opère une double rupture épistémologique « d’une part avec le sens commun globalisant et stéréotypé, d’autre part avec les éléments de savoir savant antérieur qui ont pu être réappropriés par les acteurs-agents étudiés en fonction de leurs intérêts . La typologie « idéale » des rôles démocratiques de la presse est présentée dans une deuxième partie. En fait, l’unanimité apparente autour de l’affirmation selon laquelle « la presse exerce un rôle démocratique »dissimule une variété d’acceptions et d’usages que Jacques Le Bohec débusque et révèle. Cette fonction varie en fonction des configurations sociales observées et des intérêts défendus, c’est-à-dire des contraintes externes et internes qui structurent les interactions « . A chaque définition de la démocratie (l’auteur en a identifié cinq) correspond un type de rôle attribué à la presse : forum-agora (démocratie participative), organe de parti (la démocratie comme compétition), service public (modèle de la démocratie représentative), expression libre (garantie par la réglementation), contre-pouvoir (pour contrebalancer les trois autres pouvoirs de l’édifice démocratique : l’exécutif, le législatif et le judiciaire). Selon que les acteurs politiques et les journalistes se réfèrent à l’une ou l’autre de ces définitions ou rôles, leurs rapports seront inexistants (premier cas) ou placés sous le signe de l’opposition! soutien, de la coopération, de la libération ou de la méfiance.

Dans la troisième et dernière partie, Jacques Le Bohec se risque à proposer un cadre conceptuel global susceptible de respecter la diversité des situations observées. Les rapports presse-politique sont étudiés à l’aune du phénomène de division du travail social mis en évidence de longue date par les sociologues . Celui-ci présenterait l’avantage de permettre « une comparaison multidimensionnelle et universelle qui ne caricature pas le réel «, car elle tient compte de la plupart des éléments qui entrent dans le schéma explicatif : la place du pays concerné dans le concert des nations, l’époque, la conjoncture nationale et internationale, l’économie et l’organisation des médias à l’intérieur dudit pays, le journal même. En d’autres termes, l’auteur plaide pour une approche comparative généralisée qui se distingue des méthodes habituellement conseillées (l’étude de cas, l’analyse binaire, le rapprochement entre pays analogues ou contrastés, l’homogénéisation conceptuelle d’un champ hétérogène). Les rapports presse-politique sont envisagés successivement dans le temps (chapitre 14) et dans l’espace (chapitre 15). Dans les deux cas, l’importance de chacune de ces variables dans l’appréciation de la nature des relations entre le milieu journalistique et la sphère politique est relativisée. L’effacement progressif des frontières, de même que la création de secteurs politique et journalistique à un niveau transnational (chapitre 16), conduisent à invalider aussi la distinction tranchée entre régime dictatorial et démocratie, au bénéfice d’une vision plus nuancée qui restitue la complexité structurelle des sociétés. Quant aux conjonctures particulières (chapitre 17), caractérisées par une division moindre ou inexistante de la division du travail social, elles se répercutent de façon isomorphe sur les rapports presse-politique : « Tout se passe comme si le décloisonnement des services internes aux journaux le temps d’une crise politique ou d’un événement exceptionnel (mort d’un grand homme, élection présidentielle, crise internationale...) reflétait et accompagnait la désectorisation d’ensemble de la société complexe considérée ».

En dépit de l’intérêt heuristique de la problématique retenue et de l’orientation réellement sociologique de l’ouvrage, sa lecture peut susciter un sentiment d’insatisfaction et d’inachèvement, probablement dû en partie à l’ambition du propos. L’exercice relève parfois de la gageure. Ainsi, comment traiter des rapports presse-politique « dans le temps » en une dizaine de pages ? Comment faire de même « à l’échelle de toutes les nations » ? La conscience qu’a l’auteur des limites de son étude — « les données empiriques ne peuvent qu’être incomplètes en raison du nombre élevé d’interactions » — et des réticences que peut provoquer « le brassage d’informations de toutes origines », ne suffit pas toujours à lever les résistances et à remporter l’adhésion. Par exemple, l’inventaire des obstacles à la connaissance des rapports presse-politique ne remplace pas l’ explicitation minutieuse des méthodes que l’auteur a utilisées pour parvenir à la formalisation de ce modèle. Le caractère ambitieux de l’entreprise nécessitait de faire montre d’une rigueur déictique proportionnelle à la virulence des critiques adressées à la science politique et aux sciences de l’information et de la communication, dont l’auteur semble avoir une vision réductrice. On ne peut s’empêcher d’être gêné aussi par la juxtaposition des points de vue sur l’objet, étayés par des citations émanant de sources hétérogènes, pour ne pas dire hétéroclites. Le lecteur était également en droit d’attendre de plus amples précisions concernant l’étude de cas réalisée en Bretagne dans le cadre d’un travail de doctorat, puisque cette analyse spatialement située se trouve être à l’origine de l’ouvrage. Car si rien n’empêche de penser que cette approche comparative validée à une échelle infra-étatique est transposable à tous les rapports presse-politique, conformément aux convictions de l’auteur, en revanche rien n’autorise à affirmer qu’elle peut l’être telle quelle sous d’autres latitudes, et que les résultats obtenus sont extrapolables aussi facilement, en l’absence d’études empiriques comparables sur un plan scientifique, à la thèse de Jacques Le Bohec ; il est d’ailleurs dommage que cet ouvrage ne permette pas de faire véritablement connaître à un public élargi le contenu de cette recherche sur le terrain d’un intérêt certain.

Par ailleurs, dans sa volonté d’échapper au subjectivisme qui caractérise les ouvrages portant sur ce thème, l’auteur fait peu de cas des interactions subjectives qui structurent aussi les rapports presse-politique. L’approche macrosociologique privilégiée ici a tendance à faire oublier que les rapports presse-politique sont aussi constitués de « relations » entre des journalistes et des hommes politiques ; pourtant, paradoxalement, l’auteur multiplie les citations pointillistes qui ressortissent davantage d’un regard microscopique, focalisé sur les rapports interpersonnels des acteurs individuels. Ainsi, bien qu’il récuse la distinction entre holisme et individualisme, en rappelant que la société est constituée d’individus qui sont eux-mêmes structurés par la société, Jacques Le Bohec ne s’explique pas sur la façon dont il articule les différents « paliers » de la réalité sociale, y compris d’un point de vue méthodologique. Cela se traduit par un hiatus entre l’ambition de construire un idéal-type des rapports presse-politique et les indicateurs retenus pour sa validation, dont beaucoup relèvent de situations ou de prises de position « idio-typiques ». Le concept central de cet ouvrage étant emprunté à Max Weber, il est pour le moins surprenant que la méthode compréhensive ne soit pas convoquée pour soutenir l’argumentation et la conforter sur un plan méthodologique. Nous inclinons à penser qu’au lieu de terminer sur une apostille destinée à désamorcer les interprétations superficielles et abusives, positives ou négatives, auxquelles donnera sans doute lieu cette typologie idéale, l’auteur aurait peut-être pu approfondir les questions de méthode et d’articulation entre psychologie et sociologie, sociologie et histoire, logiques d’acteurs et contraintes des systèmes en tout genre dans lesquels s’inscrivent les rapports presse-politique.

En toute hypothèse, les questions que soulève le livre de Jacques Le Bohec et les controverses qu’il ne manquera pas de susciter en font un ouvrage incontournable pour tous ceux qui s’intéressent, à un titre ou à un autre, au thème qu’il aborde.

Jacques LE BOHEC. Les rapports presse-politique. Mise au point d’une typologie « idéale ». Paris, L’Harmattan, cou. Logiques Sociales, 1997, 252 p.

 

Récit, média et société

de Marc LITS

par Mihai COMAN

De Aristote jusqu’à Claude Lévi-Strauss l’étude de la narrativité s’est toujours associée à l’étude des cadres de la connaissance, qu’ils soient mythologiques, esthétiques, historiques ou journalistiques . Découvert et redécouvert par les différents courants de recherche, le récit a changé de visage selon le regard méthodologique qui était porté sur lui. Mais de la réthorique à la néo-réthorique et de la stylistique au structuralisme, le récit, en tant qu’objet de la recherche, est resté solidement ancré dans les genres fictionnels. Depuis quelques années, on a commencé à lui reconnaître les vertus dont il avait été dépossédé par les jugements trop sévères des Grecs, repris et naturalisés par la culture européenne, classique et moderne. C’est ainsi que l’ancien « mythos » est revenu dans l’actualité, en tant que moyen de mise en forme de la réalité, en tant qu’instrument légitime de la connaissance humaine. En même temps, le récit est descendu des genres « nobles » et a retrouvé son univers de toujours : les pratiques quotidiennes (« une théorie du récit est indissociable d’une théorie des pratiques » — Michel de Certeau) et les genres populaires (« raconter des histoires, c’est là le pont qui lie le journalisme et la culture populaire » — P. Dahîren). Il a retrouvé, auprès de tant de formes culturelles longtemps ignorées par la recherche savante, l’enfant terrible de ce siècle : le journalisme. Ce journalisme, conçu désormais comme une « modalité de transformer la connaissance en discours » (S.E. Bird, E. Dardenne), comme « une activité qui juge les événements par la juxtaposition, combinaison ou séparation des faits et opinions dans le but de trouver en eux un récit » (K. Mannoff), comme une forme de représentation qui « explique la causalité par la successivité temporelle » (L. Quéré), comme « un système central de narrativisation dans un contexte social et historique spécifique » (J. Newcomb), comme une forme « qui structure un événement en histoire doté d’une intrigue » (S.L. Sparry), etc.

Dans ce courant de pensée, le livre de Marc Lits s’impose, en premier lieu, comme un texte de synthèse qui nous offre la carte des recherches — et concepts, théories, méthodes éparpillés et qui se sont développés autours de la triade : journalisme — narrativité — culture populaire. Cela implique une double ouverture : didactique, dans le sens d’une mise en ordre du système, et de recherche, dans celui d’une investigation du domaine par des méthodes nouvelles. D’un autre point de vue, le livre se structure selon le niveau où se place l’analyse du récit de presse : à l’intérieur du texte (recherche de la structure du texte) ou à l’extérieur (la typologie et les modes de réception).

Au première niveau, le lecteur tire les bénéfices d’une présentation claire et détaillée des diverses approches concernant les caractéristiques du récit ; il semble que Marc Lits se retrouve plus proche des lignes de recherche issues du formalisme et du structuralisme. Dans cette perspective, il souligne le fait que « la fonction première de la presse consiste probablement a inscrire le flux des événements dans l’histoire, à organiser pour le lecteur/spectateur le chaos existentiel en récit journalistique séquencé, . . » (p. 60). L’analyse narratologique des récits de presse, devra faire appel. selon ce modèle, à trois traits dominants : « le schéma narratif, les actants et la conflictualité narrative « (p. 56). Un regard, un peu fugitif, sur plusieurs textes journalistiques montre les possibilités heuristiques de cette approche. En changeant d’angle, Marc Lists se livre aussi à une brève présentation de la perspective rhétorique et nous offre une très convaincante analyse de la métaphore journalistique.

La deuxième partie du livre nous introduit dans l’espace de la réception et des typologies des récits de presse, ainsi que des critères qui fondent ces typologies (sujet d’enjeux méthodologique assez différents et de débats assez polémiques). La volalitilité des instruments de recherche demande alors à l’auteur de changer de ton et de passer de la présentation ordonnée des approches et méthodes d’analyse narratologique déjà consacrés à une investigation en profondeur. La « typologie » proposée par Marc Lits combine plusieurs critères : d’après le schéma de la communication le classement des récits se fera selon le code utilisé, le contexte (ou la fonction référentielle), l’émetteur, les récepteurs, le contact, le message ; selon les facteurs externes, les récits de presse connaîtront des formats différents, modelés par les caractéristiques du support, du public et de la rubrique où est placé l’article ; selon les critères internes, on pourra établir des différences en tenant compte soit des segments qui composent les textes (narratif, descriptif, dialogique et interprétatif), soit du choix d’énonciation (« position éditoriale », « discours rapporté » et témoignage »), soit encore du type d’écriture (littéraire ou journalistique) . Cela n’épuise pas pour autant les perspectives classificatrices : « On pourrait d’ailleurs imaginer d’autres typologies que celles ici présentées ou des plus simples . Une grille de classement pouffait très bien fonctionner en ne retenant que quatre critères : le critère référentiel (de quoi parle l’article, à quelle rubrique appartient-il, de quelle thématique sociale rend-il compte ?), le critère lié au message et à sa structuration (quels sont les choix narratifs du journaliste, quelle est la structure organisationnelle interne du texte ?), le critère du mode d’énonciation (qui prend la parole en charge et comment ?), le critère du mode de réception (la présence du récepteur dans le texte ou le type de public présupposé ») (p. 125).

Le dernier chapitre du livre est consacré à la présentation des enjeux sociaux et culturels des médias modernes. Marc Lits change de perspective (il sort du texte vers le contexte) et remarque le rôle de « la masse narrative générée par les différents systèmes d’information » qui « construit de manière déterminante les représentations du public ». Il retrouve ainsi un autre courant de pensée, plus proche des « cultural studies » et des recherches de G. Tuchman, P. Dahîgren, J. Fiske, R. Silverstone, J. Hartley, ou J.M. Barbero, ou des interrogations philosophiques ou éthiques de P. Ricoeur, Michel de Certeau, R. Debray, M. Ferre ou P. Virilio.

La dimension narrative du discours journalistique est considérée par le chercheur comme la clé de voûte du journalisme moderne. Il est impossible de la faire oublier, de la contourner ou de la minimaliser. « Il faut d’avantage reconnaître le poids de la construction narrative dans la transmission de l’ information, particulièrement dans le cas des conflits E...] Il faut donc mesurer en quoi la mise en récit conditionne le travail journalistique et aussi notre perception de l’événement, en acceptant que cette narrativisation est une condition nécessaire du compte rendu de l’événement, de sa lisibilité, même si elle doit entraîner réduction et stéréotype «(p. 63-64). Le livre de Marc Lits signale le cadre des recherches sur le récit de presse et invite à repenser le discours journalistique et les voies de l’analyse de celui-ci.

Marc LITS, Récit, média et société, Pédasup 37, Bruylant-Académia, Louvain-la-Neuve, 1996.

 

La Photographie en Allemagne Anthologie de textes 1919-1939

d’Olivier LUGON

par Françoise DENOYELLE

La photographie a joué un rôle capital dans l’Allemagne de l’Entre-deux-guerres, son influence sur les photographes travaillant en France à la même période est revendiquée par la plupart d’entre eux. La circulation des idées par le biais des revues, des magazines, des livres, des expositions et de leur catalogue, des voyages voire des installations à Paris font de la capitale le lieu de convergences de théories et de pratiques nées ailleurs et plus particulièrement en Allemagne. La Nouvelle vision, La Nouvelle objectivité sont des courants maintenant assez bien connus du public français du moins en ce qui concerne la production. La période sombre du nazisme reste encore à redécouvrir pour l’essentiel. Cependant les textes théoriques, abondants mais très peu traduits demeuraient d’un accès difficile voire impossible pour les non germanistes. L’anthologie de textes d’Olivier Lugon : La Photographie en Allemagne rend enfin accessibles des articles et des textes d’intellectuels comme Walter Benjamin, Ernst Jtinger, Alfred Dôblin, d’artistes d’avant-garde comme Làszlô Moholy-Nagy et Raoul Hausmann, des photographes majeurs comme Albert Renger-Patzsch et August Sander.

Les quelques cent dix textes réunis par Olivier Lugon esquissent une histoire de la photographie allemande de l’Entre-deux-guerres où sont abordés les fondements théoriques d’une approche du médium et de ses applications dans des domaines aussi divers que ceux de la publicité, la propagande, la presse, etc. La diversité et la richesse des textes permettent de mettre en perspective les points de convergence entre l’Allemagne et la France mais aussi le rôle d’avant-garde des Allemands. Comme à Paris, la première guerre mondiale terminée les revues d’amateurs, les professionnels retournent à l’académisme désuet d’un pictorialisme évanescent, comme à Paris dans les années 1928-1930, mais à partir de 1924-1925 à Berlin des groupes d’avant-garde s’enthousiasment pour un médium dont ils découvrent les nouvelles potentialités. La chronologie réalisée par Olivier Lugon en fin d’ouvrage montre assez bien que dès le début les Allemands ont quelques longueurs d’ avance. 1919 : premier photomontage publié par John Heartfield, première foire du cinéma, de la photo, de l’optique et de la mécanique de précision à Leipzig (c’est à cette foire qu’en 1925 la maison Leitz présentera son premier Leica), ouverture du Bauhaus à Weimar, fondation de l’Union des graphistes publicitaires allemands. Rien d’équivalent n’a lieu en France en ce qui concerne la photographie. Si Breton, Aragon et Soupault sortent Littérature et Picabia 391 la photographie doit se contenter du premier numéro de La Revue française de photographie organe du pictorialisme.

Dans la quête des propriétés spécifiques du médium les textes choisis par Olivier Lugon déterminent assez bien la ligne de partage entre deux orientations différentes : la Nouvelle Vision (Das Neue Sehen), promue par Moholy-Nagy d’une part et la Nouvelle objectivité (Die Neue Sachlichkeit) d’autre part défendue par Renger-Patzsch. Dès 1925 la Nouvelle vision proche des avant-gardes artistiques et plus particulièrement du constructivisme tente de traduire par des moyens nouveaux la conscience aiguë d’appartenir à une époque moderne surgie des ruines de la guerre. Cette affirmation de la modernité est liée à une civilisation technique, industrielle et urbaine. Elle appelle des pratiques artistiques d’un type nouveau où la médiation de la machine (l’appareil photo) n’est plus un facteur dévalorisant mais au contraire est revendiqué et exploré comme source d’un regard neuf. La Nouvelle objectivité déploie un langage visuel nouveau grâce à des techniques encore expérimentales et perçues comme appartenant à l’avant-garde : photogramme, épreuve négative, surimpression, gros plans, vues aériennes, angle de prise de vue en plongée et contre-plongée. Dès lors elle essaime dans tout le monde occidental et trouve son apogée lors de la grande exposition : Film und Foto à Stuttgart en 1929. Cette exposition présente un millier d’images sélectionnées par Steichen et Weston pour les États-Unis, El Lissitzky pour l’URSS . La France est essentiellement représentée (mise à part la rétrospective Atget) par des étrangers venus s’installer en France. (7 des 10 participants) plus sensibles aux nouvelles formes d’expression photographique. La figure emblématique de l’exposition est naturellement Moholy-Nagy chef de file de la Nouvelle vision auquel est consacré une salle entière où est exposée une centaine de ses oeuvres . La Fifo marque l’apogée de la Nouvelle vision. Récupérée par des photographes moins novateurs, exploitée dans ses techniques jusqu’à la carricature, son rayonnement s’estompe au profit de la Nouvelle objectivité plus prisée des professionnels que des artistes d’avant-garde.

La Nouvelle objectivité est prônée par une multitude de textes théoriques et puise ses fondements dans un retour à la figuration picturale lors de l’exposition la Neue Sachlichkeit (La Nouvelle Objectivité) en 1925, rassemblant entre autres des toiles de George Grosz et Otto Dix. Pour les photographes il s’agit de faire émerger la beauté et le mystère des objets ordinaires, la richesse de leur matière, les effets de transparence et d’opacité avec une objectivité que seul est capable de rendre l’appareil photographique . Albert Renger-Patzsch prend la tête du mouvement et s’oppose à Moholy-Nagy pour qui la photographie est un vaste champ d’expérimentation. Renger-Patzsch en revanche privilégie le strict enregistrement. Dans « Buts » publié dans le premier numéro de Das Deutsche Lichtbild en 1927, il fait l’éloge d’un réalisme total qu’il met en pratique un an plus tard en publiant son livre phare Die Welt ist schôn (Le Monde est beau) où il répertorie à travers cent images de plantes, animaux, machines, objets standardisés, architectures, paysages où abondent les gros plans, la variété des beautés du monde. Le livre connaît un succès considérable, est matière à de nombreux articles et ouvre une polémique entre les tenants de la Nouvelle vision et ceux de la Nouvelle objectivité. Un des intérêts essentiels du livre d’Olivier Lugon est de proposer l’ensemble ou tout du moins les plus pertinents des articles qui ont agité les milieux de la photographie à la fin des années vingt.

Si la Nouvelle vision et la Nouvelle objectivité tiennent une place très importante dans le livre (près de la moitié) Olivier Lugon n’ignore pas le photomontage, la photographie de presse et d’amateur et montre que c’est à cette période que s’esquisse une histoire de la photographie et que s’instaure le débat théorique sur la reproduction de l’oeuvre d’art. Sur le photomontage (1) qui devient, en à peine une décennie, un moyen d’expression récupéré par la publicité, la propagande politique de tout bord et la décoration murale des grandes expositions didactiques Olivier Lugon propose les textes fondateurs comme « Introduction à la Première Foire Dada internationale » (1920) de Wieland Herzfelde, les textes sur la théorie du montage. Celui de Franz Roh (2) pour qui « le collage photographique » allie les deux principes fondamentaux de la modernité : absolue objectivité et fragmentation, ceux de Moholy-Nagy et de Raoul Hausmann (3) qui s’engagent vers la construction d’une langue visuelle collective, immédiatement et universellement compréhensible.

C’est sous la République de Weimar que des photographes comme les frères Gidal, Félix H. Man, Martin Munkasci, Erich Salomon ou Umbo deviennent, à l’égal du rédacteur ou du dessinateur, des signatures dans une presse en pleine expansion qui favorise la carrière de jeunes photographes sans à priori sur ce que doit être la photographie de presse. Jusqu’en 1933 ils trouvent des supports au tirage impressionnant comme le Berliner Illustrirte Zeitung (BIZ) (près de 2 millions d’exemplaires chaque semaine) friands de reportages nouveaux, 1 ‘Arbeiter Illustrirte Zeitung (AIZ) grand illustré ouvrier lancé en 1924 ou encore des magazines plus luxueux et plus confidentiels mais d’une très grande inventivité comme Uhu ou Der Querschnitt. Leurs images sont choisies et mises en page par des rédacteurs en chef de tout premier plan comme Stefan Lorant ou Kurt Korif (futur responsable de la photographie à Life). Dans un texte à propos du cinquantenaire des éditions Ulîstein (4) il analyse les critères de choix en matière photographique. « Ce n’était pas l’importance de la matière qui décidait du choix et de l’acceptation des photos, mais uniquement l’attrait de l’image elle-même. Cette conversion initiée par la BIZ a entraîné de grands changements dans l’aspect des magazines illustrés qui aujourd’hui, ne sont plus dirigés par des rédacteurs de presse écrite qui « illustrent » leurs sujets, mais des gens qui, comme le scénariste ou le metteur en scène, voient la vie en image ». Un chapitre très intéressant est consacré à l’AIZ hebdomadaire ouvrier qui dès 1926 rivalise avec les plus grands titres de la presse bourgeoise. Les textes rassemblés par Olivier Lugon comme « L’oeil de l’ouvrier » d’Edwin Hoernie ou La photographie orientée « de Kurt Tucholsky prônent » un regard de classe « à des fins pédagogiques et politiques.

« Nous apprenons à nos frères de classe à se servir de leurs yeux » (5). La partie consacrée au Troisième Reich est trop brève (20 pages) alors que l’arrivée d’Hitler au pouvoir, en janvier 1933, constitue une rupture capitale pour la photographie allemande et ne sera pas sans conséquences sur l’évolution de la photographie en Europe et aux Etats-Unis . Dans les mois qui précèdent la prise du pouvoir par Hitler, Sacha Stone se réfugie à Bruxelles (il mourra dans un camp de concentration en Allemagne en 1944), Hans Finsler retourne à Zurich où il est né, Helmar Lerski se fixe au Proche-Orient. Au cours de l’année 1933 Tim Gidal chassé par les nazis se réfugie à Londres, Raoul Hausmann quitte Berlin pour la France, Lotte Jacobi choisit New York en 1935, Herbert List s’installe à Londres tout comme Félix H. Man et le couple MoholyNagy. Martin Munkasci devient le principal photographe de mode de Harper Bazaar à New York, Hans Richter émigre en Suisse. Erich Salomon, l’un des pionniers de la photographie de reportage et principal collaborateur de la Berliner Illustrirte Zeitung fuit en Hollande, déporté en 1943, il meurt à Auschwitz en 1944. En 1934 les nazis ordonnent la destruction des plaques d’imprimerie de Visages de ce temps d’August Sander, si Sander ne quitte pas l’Allemagne il doit limiter son activité de portraitiste et se tourne vers le paysage. L’essentiel de l’élite de la photographie émigre ou se cantonne dans des travaux alimentaires. Certains essaient pourtant comme Herbert Bayer de composer avec le nouveau régime. Il participe à la réalisation de plusieurs catalogues de grandes expositions nazies mais comme beaucoup d’autres il finit par rejoindre les États-Unis en 1938. Très vite de nouveaux noms s’imposent comme celui d’Henrich Hoffmann. Photographe attitré du führer, il exploite son monopole de l’image d’Hitler à la tête d’une entreprise qui comptera jusqu’à 300 personnes chargées d’orchestrer l’iconographie hitlérienne. Une autre nationale socialiste convaincue, Erna Lendvai-Dircksen, exalte « la pureté de la race » à travers des portraits de paysans . Walter Hege, membre du parti dès 1930, abandonne les chefs d’oeuvres de l’art antique et gothique pour glorifier l’architecture nazie. Quant au Dr Paul Wolff, photographe de second ordre, surtout connu pour sa promotion du Leica à travers de nombreuses expositions, il devient le photographe le plus célèbre du IIIé Reich. La mise au pas des publications est immédiate et les revues spécialisées en photographie obtempèrent non sans empressement. Laissées pour compte par les avant-gardes elles apprécient d’autant les premiers signes d’intérêt officiel et voient avec beaucoup de satisfaction les préoccupations culturelles se recentrer. Cette reconnaissance ne sera pas sans embrigadement et sans contradictions. S’il rejette le modernisme des artistes dégénérés le pouvoir récupère pour les besoins de sa propagande bien des procédés : mise en page, gros plans, plongée et contre-plongée, techniques d’expositions. On lira avec intérêt « La photographie de presse dans la propagande nationale » de Willy Stiewe (avril 1933) où le journalisme est d’emblée assimilé à la propagande et le rôle national et international de la photographie évalué à sa juste mesure comme « l’espéranto de notre globe » . Une chronologie et une bibliographie thématiques, des introductions ouvrant chaque chapitre mettent en perspective les personnalités et les enjeux qui ont façonné le contexte culturel dans lequel les 110 textes présentés ont été écrits. L’ouvrage d’Olivier Lugon est un ouvrage de référence de première importance.

Olivier LUGON, La Photographie en Allemagne. Anthologie de textes (1919-1939), Jacqueline Chambon, Paris, 1997, 495 pages, 280 F.

 

(1) Voir Heartfield contre Hitler de John Willet, Réseaux, septembre-octobre 1997, pp. 256,258.

(2) Franz Rob, L’expression propre de la nature (Art et photographie), pp. 220,223.

(3) Làszlò Moholy-Nagy, Photoplastique (photomontage), dans Photographie, mise en forme de la

lumière, pp. 226, 238. Paul Hausmann, Photomontage, pp. 231,233.

(4) Kurt Korff, La Berliner Illustrirte , 1877-1927, pp. 249,250.

(5) Edwin Hoernle, L’oeil de l’ouvrier, pp. 287,292