n°60

 

Esthétique de l'audiovisuel

de Pierre SORLIN

par Myriam TSIKOUNAS

Depuis qu'il a choisi l'audiovisuel comme double objet de recherche et de pratique Pierre Sorlin nous offre, réguliè rement, des essais qui, chacun à sa ma nière, ouvrent des perspectives neuves et bousculent des idées admises. En 1977, il propose aux historiens à qui Sociologie du cinéma - malgré son intitulé - s'adresse, en priorité, de dépasser l'observation di recte des films, de s'appuyer sur des disci plines formalisées - narratologie, sémio tique... - pour saisir, par-delà ce qui est dit et montré, les modes de construction ciné matographique en usage dans une société déterminée. Dans les années qui suivent, il prouve le bien-fondé de sa méthode en l'expérimentant sur une production unique (La révolution figurée, 1979), puis sur un corpus filmique de plus ou moins grande dimension (Générique des années 30, 1986). Film in History, 1988). En 1990, il s'engage dans l'analyse comparative (Eu ropean Cinema, European Societies 1939- 1990) pour discuter la notion peu évidente de cinéma national et amorcer une étude attentive des publics.

Esthétique de l'audiovisuel marque une nouvelle avancée. En effet, comme l'in dique le titre, il s'agit, ici, d'évaluer les ressources expressives non seulement du cinéma - royaume des oeuvres d'art - mais du petit écran - bas-fonds illimités des images et des bruits.

L'auteur commence par expliquer en quoi consiste la démarche esthétique. Cette appréhension suppose de s'attacher, dans un film ou une émission télévisée, non pas au sens et à la façon de le transmettre, mais aux pures matières visuelles et so nores. Elle exige aussi une disponibilité particulière, car elle s'opère prorgressive ment. L'observateur a d'abord l'intuition d'être face à une réalisation importante et rare qui lui procure une vive émotion. Il éprouve des impressions si intenses qu'au terme de la projection, il veut comprendre les raisons pour lesquelles ce spectacle l'a bouleversé, indifféremment de l' anecdote racontée et du style utilisé. Il décide alors d'examiner cette création qui lui a lancé un défi.

Sitôt définie l'attitude esthétique, Pierre Sorlin répertorie tout ce qui entrave notre regard. L'obstacle majeur est inhérent au medium : le film exprimant et représentant à la fois, le destinataire doit faire un effort constant pour intercepter simultanément une histoire et des « accent intérieurs ». Même si, contrairement aux assertions de Pierre Bourdieu, dans le domaine culturel, les préférence individuelles ne sont pas né gligeables et qu'une « marge de différen tiation personnelle » subsiste (Pierre Sorlin fait siennes les affirmations du sociologue marxiste Terry Eagleton), l'autonomie es thétique repose néanmoisn sur une illusion : notre goût trahit notre apparte nance de classe, il ne nous est pas possible de critiquer une oeuvre classique qui a été « étiquetée belle » et les jugements artis tiques que nous formulons obéissent tou jours à une stratégie sociale. De surcroît, l'ouverture esthétique est prise dans un pa radoxe. Elle n'a pas à évaluer l'historicité de l'oeuvre, en revanche, elle est condition née par les modes de pensée en vigueur à l'époque où elle se manifeste et ne peut exister que dans des sociétés, modernes, où le plaisir « fait partie des exigences lé gitimes ».

Après avoir rappelé combien nos appré ciations esthétiques sont relatives, Pierre Sorlin procéde à une « archéologie du dis cours » pour voir en quels termes les pre miers cinéphiles ont parlé des films qu'ils aimaient. Cette enquête, subtile et très do cumentée, lui permet de légitimer son ap proche, de démontrer que l'esthétique a, initialement, retenu toute l'attention. Cette recension l'aide également à baliser son territoire, à établir que, d'emblée, les pionniers ont interrogé les matériaux filmiques capables d'illusionner (de sup pléer la couleur, la profondeur de champ et le mouvement absents...) et de métamor phoser le quotidien en univers poétique (le gros plan, la lumière, le montage harmoni que...).

Le chapitre suivant est consacré à Passion, film dans lequel Jean-Luc Gordard, qui met à nu l'expression en refusant la « fable », se livre à de multiples expé riences esthétiques : oblige le spectateur perscevoir le mouvement et la durée, fail prendre conscience qu'au cinéma un inter prète est non seulement un rôle, mais une présence, surtout, souligne que l'ensemble de la réflexion audiovisuelle a pour base les « contraintes imposées par les dimen sions et les limites spatiales de l'écran ».
Dès qu'il a décelé, par un détour « ar chéologique », et l'étude d'un « film guide » les « questions fondamentales que se pose la recherche esthétique », Pierre Sorlin examine trois films de fiction stylis tiquement éloignés. Le désert rouge n'est pas une oeuvre belle et policée. Pourtant, Antonioni parvient à rendre le banal re marquable par le montage, qui induit des sensations, par les couleurs primaires et criardes qui pulvérisent la grisaille de l'hi ver, par une ingénieuse course-poursuite entre l'héroïne et la caméra... Dans Fer sona, film d'une sobriété extrême, Berg mann arrive à générer le pathétique en ca nalisant l'attention du public sur ses deux unique comédiennes, détachées de l'action par des prises de vues atypiques et des si lences savamment calculés de la bande son... Medea est plus qu'une réalisation superbe et raffinée car Pasolini instille du tragique en dirigeant ses actions à contre emploi, en jouant sur les disharmonies, en faisant éclater le cadre par la lumière...

Une fois expliqué comment observer les films sous un angle esthétique, l'auteur quitte le grand écran pour le petit et nous persuade qu'une télévision différente est possible, que la médiocrité actuelle relève d'une logique commerciale, non du me dium, qui possède des « ressources expres sives originales ». Evoquant une « télévision virtuelle », il n'illustre pas ses propos par des exemples concrets - que nous n'aurions guère de chance d'avoir vus - mais se fonde sur des produits génériques pour prouver que si la « boîte à bruit » em prunte aux films la plupart de leurs tech niques, elle s'en sert tout autrement. A la télévision, contrairement au cinéma, la du rée est rarement construite - le direct et le différé qui l'imite ne visent pas à créer l'illusion d'un temps élastique - les trucage, pléthoriques, ne sont pas des marqueurs et le rapport entre l'image et le son n'est pas de l'ordre de la complémentarité, mais de la substitution - le spectateur, peu vigilant, est amené à regarder, ponctuelle ment, lorsque l'émission vocale s'écarte de la norme -. L'enquête se referme sur l'analyse minutieuse de deux créations au diovisuelles porteuses d'« ouvertures posi tives et neuves » : captant la tension des membres de l'orchestre, les réactions de la salle..., la retransmission de concert révèle une dimension essentielle de l'exécution musicale que la radio et le disque avaient éclipsée. Refusant le « minimum de lo gique narrative », le clip apporte la preuve qu'une réalisation destinée aux masses peut ne pas rencontrer.

On le voit, ce livre dense est particuliè rement stimulant et force l'admiration à plusieurs titres. Son érudition impres sionne. Pour le composer, Pierre Sorlin a relu tous ses classique, de Platon à Croce en passant par Kant qui a sa préférence. Il a compulsé les écrits de nombreux théori ciens européens qui se sont exprimés sur le septième art durant les deux premières dé cennies du siècle. Il commente les ré lexions contenues dans une trentaine d'études récentes en langues anglaise, alle mande et italienne.

Cet ouvrage séduit aussi par la précision et la richesse du vocabulaire utilisé qui permet de rendre dicibles les impressions générées par des films ou des spectacles naturels (la description de Vensie est ful gurante). Cependant, s'il est très agréable à lire et ne manque pas d'humour, parfois caustique (comme lors de la présentation des thèses bourdieusiennes sur le goût), ce travail savant est, par moments, malaisé à suivre. En effet, son auteur multiplie les renvois, les paralipses et les jeux de ques tions adressées à d'éventuels détracteurs (quand il décide d'aller débusquer l'esthé tique là où on ne la trouve pas souvent - sur le petit écran - il se demande si s' oc cuper de la télévision d'un point de vue purement esthétique ne « relève pas de l'exercice d'école » et n'est pas une « en treprise vaine »). En outre, certaines affir mations suscitent, de la part du lecteur, des interrogations qui resteront sans réponse. Ainsi, ne saurons-nous jamais si le changement de discours cinématographique, in tervenu au milieu des années 20, coïncide ou non avec les prémices d'un débat sur le « parlant ».

Ce texte foisonnant ne soulève pas seu lement l'estime par le style et la culture déployés, mais par l'originalité de son pro pos. Ses analyses de films nous convain quent que l' attrait esthétique ne réside pas nécessairement dans le beau, mais dans l'aptitude à bâtir un univers inédit où le « réel » semble irréel. Le désert rouge, avec ses décors fades, son actrice princi pale enlaidie et ses montages rugueux, nous touche autant que Medea, réalisation plastiquement irréprochable, et nombre de films, en dépit de leurs images parfaites, sont ennuyeux. En incluant les diffusions télévisuelles, constituées de feuilletons, de fragments divers sélectionnés par chaque spectateur, Esthétique de l'audiovisuel dé montre également que l'approche esthé tique ne se limite pas aux oeuvres d'art, mais s'étend à des ensemble vastes et non clos.

Mais Pierre Sorlin ne se contente pas de revenir sur quantité de préjugés. Il expose avec une grande clarté les difficultés propres à l'ouverture esthétique. Se situant aux antipodes des recherches cognitives auxquelles nous sommes habitués, cette démarche dérange, car elle ne dispose ni de règles ni de recettes. Nécessairement singulière - « il existe autant de points de vues que d'amateurs » - subjective et in démontrable, elle a pour uniques garde- fous la rigueur et l'« effort de raison ». Pourtant, cette quête ardue des « effets de sensibilité » est indispensable : elle pro longe les sciences du texte qui, cantonnées aux éléments sérialisables, ignorent tout ce qui déborde le modèle et sont incapables de nouer entre elles les diverses compo santes d'un film. Et Pierre Sorlin - même si on peut s'étonner qu'il choisisse de s'ar rêter sur trois chefs-d'oeuvre où l'expres sion n'est pas à égalité avec, mais prime l'anecdote, pauvre (Le désert rouge, Per sona) ou déjà connue (Medea) - réussit re marquablement à nous montrer comment Le désert rouge fait interférer sens et ma tériaux, comment l'agressivité des cou leurs qui recouvrent un mur accentuent la vulgarité de la scène, ne réservant d'autre issue aux protagonistes que d'abattre cette encombrante cloison.

Par son intelligence et l'urgence des problèmes posés, ce livre pionnier ne de vrait laisser indifférent ni les profession nels ni les théoriciens de l'audiovisuel.

*Pierre SORLIN Esthétiques de l'audiovisuel, Nathan, 1993, 223 p.

 


Storia della radio e della televisione in Italia. Società politica, strategie, programmi, 1922-1992

de Franco MONTELEONE

par Pierre SORLIN

Franco Monteleone estime que, avec la diffusion de la télévision, les Italiens ont eu l'impression de posséder enfin « un lieu de convergence à la fois national et collec tif pour leurs initiatives privées et leur vécu quotidien » (p. 296). Est-ce vraiment le petit écran qui a eu cette fonction ? De puis plus de deux décennies, les re cherches sur la radio se sont multipliées en Italie, leur nombre, leur qualité montrent qu'il y a là une préoccupation commune, comme si la radio était devenue la réfé rence presque obligatoire des Italiens. D'ailleurs l'ouvrage solide, agréable et do cumenté de Franco Monteleone ne traite pas les deux médias audiovisuels de la même manière, il est davantage une syn thèse des acquis récents dans sa première moitié, et une série de propositions ou d'hypothèses dans la seconde.

Le sous-titre délimite exactement le champ couvert. Le livre offre peu d'infor mations sur les techniques ou sur le finan cement. Berlusconi domine, évidemment, les cinquante dernières pages mais sa pré sence évite de poser des problèmes précis : d'où sont venus les investissements ? Quelles sont les relations de Finvest avec les entreprises publicitaires, avec les pro ducteurs de disques, avec les entreprises électroniques ? Dire et redire que Berlusconi « fut le premier à comprendre (p. 432), « avait compris » (p. 433) rabat sur la seule intuition d'un homme tout un monde de combinaisons. Franco Monte leone n'a-t-il pas une crainte excessive des rapprochements à première vue évidents ? Il note, de manière curieuse, que si l'im plantation de la radio et l'installation du fascisme ont eu lieu au même moment en Italie, il faut ne voir là qu'une rencontre fortuite. Etrange affirmation que l'auteur lui-même aide à réfuter. Marconi, dont l'auteur fait un excellent portrait, était un découvreur et un requin financier. Il sou haitait une intervention active de l'Etat pour lancer la radio dans la Péninsule, mais la monarchie libérale était incapable de le soutenir. Aussi commençait-il à as siéger Mussolini dès son arrivée au pou voir, ce qui lui permettait d'obtenir, en août 1924, la création de l'Union radio phonique italienne dont il était le principal actionnaire. Monteleone éclaire parfaite ment cet épisode, mais il évite d'en tirer la moindre conclusion, comme s'il fallait masquer le fait que la radio s'est implantée grâce à la rencontre du fascisme et de l'affairisme.

Ce qui intéresse l'auteur est l'usage politique des médias audiovisuels, « poli tique » étant pris au sens large puisque la stratégie des différents réseaux, les pro grammes, les réactions du public y sont in clus. Dans le domaine qu'il a choisi, Monteleone est excellent. Il connaît bien les documents parlementaires et résume de manière vivante les grands débats qui ont marqué le lent cheminement vers la priva tisation. Il est un peu rapide sur la conquête de la radio par la Démocratie chrétienne, dès août 1946, mais il s'étend longuement, de manière très convaincante, sur l'infiltration de l'audiovisuel par l'Eglise et il explique comment le gouvernement (en la personne d'un sous-secrétaire à la présidence du Conseil, un nomme... Andreotti) a su profiter des débats relatifs au contrôle des émissions pour installer, discrètement, sa propre censure. Une excellente étude de la direction de la RAI et de ses initiatives montre comment les syndicats ont été gagnés par des concessions systématiques : les demandes de postes ont été satisfaites, les salaires ont augmenté plus rapidement que dans la presse, travailler pour la RAI a représenté à la fois un élément de prestige et une pro gression de niveau de vie constante. Sans doute une analyse du recrutement serait- elle nécessaire pour affiner le tableau, mais déjà ce qui est montré aide à mieux comprendre, d'une part, le conformisme politique des médias audiovisuels, d'autre part, les enjeux corporatifs d'une défense du monopole. Monteleone nous présente un secteur audiovisuel très peu contesta taire. Il sait toutefois faire leur part aux rares éléments de subversion. La radio non alignée a existé, tant sous le fascisme que sous la Démocratie chrétienne, des émis sions pirates ont eu lieu sur le sol même de la Péninsule. Il s'agit là de tentatives trop peu connues qui devaient trouver leur place dans l'histoire de la radiodiffusion en Italie.

L'auteur rend compte de très peu de programmes particuliers, mais il caracté rise avec beaucoup de justesse les diverses tonalités de l'audiovisuel italien. Il a une formule originale pour qualifier l'informa tion telle qu'elle a été présentée jusqu'à la fin du monopole. C'était, dit-il, un « mo dèle rhétorico-nationaliste de type scolaire ayant pour horizon la famille petite-bour geoise » (p. 231). Pendant longtemps, les organisations politiques et les acteurs cul turels n'ont vu dans l'audiovisuel qu'un instrument de diffusion qui servait à faire passer des slogans ou des émissions musicales conçus ailleurs. Monteleone insiste sur le souci de correction grammaticale qui obsédait les responsables de la RAI, il rap pelle, ce qui était connu mais devait être souligné, que Gadda, défenseur des dia lectes dans ses romans, était un censeur impitoyable quand il révisait les textes destinés à être lus au micro. Les analyses de Monteleone sur les questions de pro gramme vont très loin, elles permettent une réinterprétation de la marche vers la privatisation. Radio et télévision, surtout la seconde, se sont heurtées à ce que l'auteur nomme le « front antomoderniste », ren contre improbable mais puissante de ca tholiques, de communistes, de grands bourgeois et d'intellectuels laïques, qui supportaient l'audiovisuel tant qu'il était ennuyeux, ce qui fut longtemps le cas, mais ne pouvaient tolérer qu'il devienne divertissant. Le fameux débat sur la « néo télévision » est à reprendre dans cette op tique, il ne s'agirait pas d'une nouvelle donne audiovisuelle, mais d'un audiovi suel tout court, qui existait déjà, de ma nière lacunaire, surtout à la radio, mais qui était contenu et censuré par le « modèle rhétorico-nationaliste ». Dans les pages de ton très libre et très personnel qu'il consacre aux deux dernières décennies, Franco Monteleone s'avance à découvert, sans la protection que d'autres recherches lui assurent à propos de la radio. C'est ce qui rend la deuxième moitié du volume tout à fait passionnante.

*Franco Monteleone, « Storia della ra dio e della televisione in Italia », 1992, Venise, Marsilio ed., XXI-555 p il, 55000 lires.


La télé. Dix ans d'histoires secrètes

de Marie-Eve CHAMARD et Pierre KIEFFER

par Erik NEVEU

Série noire cathodique. Dans cette grosse « brique », deux journalistes de « Libération » proposent le récit de l'évolution du paysage télévisuel depuis l'alternance de 1981. L'aventure part de la genèse de Canal Plus. Mais l'essentiel de l'enquête porte en réalité sur la mise en place des chaînes privées, les rebondissements et coups de Jarnac, souvent méconnus ou oubliés qui opposeront pendant près de huit ans Berlusconi, Hachette, Hersant, la CLT, Maxwell et quelques autres. Fort bien documenté, très vivant, l'ouvrage est de bonne référence pour retrouver, découvrir, comprendre les « coups » échangés entre acteurs tant politiques qu'économiques dans cet équivalent fonctionnel d'un Beyrouth de guerre civile que fut le monde de la télévision de 1985 à 1992. Le livre fournit aussi tous les matériaux pour alimenter une interrogation sur la rationalité des « politiques publiques » (le mot a-t-il un sens ici ?) en matière de télévision. Ce qui ressort de nombreux développements, c'est la priorité des logiques politiques, souvent politiciennes, le poids de gestes symboliques (ouvrir avant les législatives de 1986 des réseaux hertziens privés, privatiser à tout prix pour marquer une « rupture » après ces législatives) qui oblitèrent la prise en compte des logiques économiques et d'une nécessaire stabilité des règles du jeu. Les auteurs soulignent de façon convaincante les ravages de cette « ignorance vaniteuse et pédante des mécanismes de marché » (p. 316), et cela pas seulement à gauche.

Faut-il alors parler du « Chamard-Kieffer » comme d'un futur classique dans les biographies, aujourd'hui trop minces, sur l'histoire télévisuelle française ? Les argu ments en ce sens ne manquent pas. L'en quête est rigoureuse et riche. Le luxe des détails et des épisodes évoqués n'empêche pas le lecteur de repérer des fils conduc teurs. La vision donnée est assez panop tique pour suggérer des pistes de réflexion au lecteur désireux de prendre le livre non pour un aboutissement mais pour une source documentaire. A titre d'exemple, l'histoire de la télévision en France, telle qu'elle est ici transcrite, fournit une ma nière d'illustration in vivo de mécanismes sociaux théorisés par la tradition sociolo gique. Des chapitres entiers pourraient ali menter la chronique de ces effets pervers par lesquels des acteurs sociaux produisent des effets qu'ils n'ont ni anticipés, ni vrai ment voulus. L'histoire de la « Cinq » après 1986 constitue une véritable illustra tion idéal-typique des logiques de jeu théo risées par Elias, en particulier le méca nisme par lequel après un certain nombre d'échanges de « coups » entre une plura lité de joueurs de force comparable, aucun d'entre eux ne contrôle plus la dynamique du jeu. Ce sont encore les travaux sur les politiques publiques qu'invite à solliciter ce livre.

Bref, les qualités de l'ouvrage sont in déniables. Sérieux, documenté, construit : le meilleur du journalisme d'investigation s'y retrouve. Tout lecteur intéressé par les évolutions de la télévision le lira avec pro fit. A ce profit les auteurs ont visiblement voulu joindre l'agrément, en utilisant un registre d'écriture proche du polar ou du thriller : « Par la multiplicité des points de vue qu'il implique, par la reconstitution scénique qu 'il autorise, le mode du récit s 'est imposé à nous comme étant le seul à permettre une vision d'ensemble du champ de bataille audiovisuel. » (p. 13). Ce parti pris comporte des avantages. Avouons-le en feignant la gêne : sur les plages de l'été mieux vaut compléter la serviette de bain et le flacon de crème solaire par le « Cha mard-Kieffer » que par la « Théorie de l'agir communicationnel » ou quelque mo nographie sur les effets des messages télé visuels sur les professions intermédiaires en Bas Poitou. Mais la limite de ce pari narratif vient de ce que le thriller télévisuel qui nous est proposé doit plus souvent à Josette Bruce et aux poncifs rhétoriques de la littérature d'action qu'à l'écriture de Pennac ou de Le Carré. Quelques échan tillons permettront d'expliciter le propos. L'action se déroule-t-elle dans le « repaire estival » du futur patron de « Canal Plus » ? Décor : « Les odeurs de fleurs, de pin et un souffle de vent tiède en plus et ce pourraient être les rushes d'un James Bond, ou les repérages d'un Vadim époque twist. Triumph et pantalon cor saire. Route en lacets, cigales et cail loux ». Le même Rousselet arrive-t-il chez Berlusconi ? « L'hélicoptère décrit une courbe métallique bruyante dans le bleu uni du ciel. Pas un nuage, pas un souffle de vent. Rien que le soleil baignant la ma gnifique propriété du maître et ses jardins. Arcore, sa piscine, ses pièces immenses, son piano... André Rousselet, ébahi, ne peut s 'empêcher de s'écrier : "C'est vrai ment Dallas ici"» (p. 216).
Le lecteur accablé ne peut s'empêcher de songer « C'est parfois Guy des Cars ici » (1). La critique ne relève pas de la seule esthétique. L'accumulation de ces descriptions dont l'intérêt n'est pas tou jours indiscutable contribue aussi à alour dir le livre, à l'épaissir inutilement (sept cents pages...), tout à l'inverse de l'écri ture serrée, sans graisse, de Dashiel Ham met sous le patronage duquel les auteurs avaient placé leur volume.

Cet embonpoint inutile ne doit pas dis suader de lire et d'utiliser un ouvrage riche et utile (2). Si longueurs et facilités d'écri ture contraignent à faire son deuil d'une performance littéraire, il reste un solide et intelligent travail de journaliste, . . et cela doit se lire comme un vrai compliment, non pour la flèche du parthe.

*M.E. CHAMARD, P. KIEFFER. La télé. Dix ans d'histoires secrètes. Flammarion, 1992, 701 pages.

 

Peinture Photographie Film et autres écrits sur la photographie.

de LaszIô MOHOLY-NAGY

par Françoise DENOYELLE

Les éditions Jacqueline Chambon pour suivent la publication de textes inédits ou épuisés concernant la photographie (3). Le second ouvrage de la collection (pourquoi avoir changé de titre, de maquette?) diri gée par André Rouillé est consacré aux écrits sur la photographie de Lâszlô Mo holy-Nagy rassemblés par Dominique Ba qué. Pour éviter de submerger le lecteur sous un flot d'articles, de livres se ren voyant les uns aux autres - Moholy-Nagy n'hésitait pas à publier plusieurs fois des extraits de ses articles et à réutiliser des textes dans différents ouvrages - D. Ba qué a privilégié les écrits aptes à présenter le cheminement et l'évolution de la pensée de l'un des phares du modernisme. De Peinture Photographie Film (1925) à « Nouvelle méthode d'approche. Le design pour la vie », extrait de Vision in motion (1947), à travers vingt textes, le lecteur dé couvre la production théorique de Moholy Nagy née de sa pratique de la peinture, la photographie, le cinéma, le design, la sculpture, etc.
Une préface conséquente met en pers pective les choix esthétiques du Hongrois, appelé par Walter Gropius au Bauhaus de Weimar en mars 1923 et nommé à la di rection du cours préliminaire, puis à l'ate lier des métaux où il enseigna comme « maître de la forme ». Moholy-Nagy, en couragé par les critiques radicales de son ami Théo Van Doesburg à l'égard de l' idéalisme expressionniste, du dadaisme et du suprématisme, opte pour un constructivisme sans failles fondé sur une esthétique et une éthique collectives. « De Budapest à Chicago en passant par Berlin, Weimar et Londres, Moholy-Nagy défen dra vigoureusement un art pour tous, un art au service du corps social, un art qui soit aussi et enfin un mode de vie, d' exis tence (4). »

C'est la femme de Moholy-Nagy, Lucia, dont l'oeuvre reste encore trop confidentielle, qui a initié son mari à la photographie ; il ne l'enseigna jamais au Bauhaus mais travailla sur le photogramme et rédigea Peinture Photographie Film en son sein. S'opposant violemment au pictorialisme (« Nouvelles méthodes en photographie », 1928), il s'arc-boute sur l'éthymologie même du mot photogra phie : écriture de la lumière. Il s'agit moins alors de reproduire le réel dans ce qu'il a d'objectif, suivant le principe de la Neye Sachlichkeit (Nouvelle objectivité), que de produire de la photographie en utilisant toutes les potentialités du médium propres à répondre à une esthétique de la lumière. Avec le photogramme, « miracle optique du noir et blanc » qui doit naître du « seul rayonnement immatériel de la lu mière, sans qu'il soit fait appel à des sens cachés » (5), avec la photoplastique, com binaison de photomontage et de dessin, avec la photographie créative (« Nouvelles méthodes en photographie », 1928), il faut inventer une photographie « productive » dans une civilisation où l'oeuvre sérielle doit se substituer à l'oeuvre unique.

Dans une préface pertinente, D. Baqué éclaire les hésitations, les ajustements, les enthousiasmes et le désenchantement d'un théoricien expérimentateur qui constate que, « depuis son invention, il y a un siècle, la photographie est essentiellement vue comme un moyen mécanique d'enregistrement et qui donc ne peut-être un art » (« Art et Photographie », 1945).

Làszlò MOHOLY-NAGY, « Peinture Photographie Film », et autres écrits sur la photographie. Préface de Dominique BAQUÉ. Collection Rayon Photo Jacqueline CHAMBON, Paris, 1993, 280 pages.

La Grande Nuit.

d'Alain LEDUC et André LEJARRE

par Françoise DENOYELLE

De l' « instant décisif » (6) à l' « instant incisif » (7) la photographie de reportage a connu bien des bourrasques. Avec l' arri vée des galeries, l'introduction de la pho tographie sur le marché de l'art, la célérité de la télévision prompte à nous offrir, en direct, les chars sur la place Tien an Men et la mort à Sarajevo, le reportage photo graphique est constamment mis en cause, comme dépossédé de l' aura que lui confé raient son rôle et sa fonction dans les an-nées de l'après-guerre. En 1985, François Hers annonça même sa mort (8). Et, de fait, réduite au format du timbre-poste dans nombre de magazines, privilégiée quand elle s'avère de choc et de toc, écar tée le plus souvent lorsqu'elle n'exhibe pas ses couleurs sursaturées et standardisées, la photographie d'auteur ne trouve plus sa place dans la presse. Les images de Capa dans Vu, d'Izis dans Match et d'Eugène Smith dans Life appartiennent aux nostal giques et aux historiens. Elles sont expo sées dans les musées et les simples tirages de presse transformés en vintage vendus à prix d'or (9).
Paradoxalement, des agences comme Gamma (1967), Vu (1986) et plus récem ment Métis (1989) sont nées de la volonté de promouvoir le travail de photo-reporters affichant les mêmes exigences que celles qui avaient prévalu à la naissance de Ma gnum. Dans ce contexte, le livre, plus que jamais, reste le support privilégié du repor tage de fond. La Grande Nuit, oeuvre d'un écrivain, d'un photographe et d'un gra phiste, illustre parfaitement les potentialités que n'offrent ni la presse ni l'exposition.

OEuvre d'un graphiste, la Grande Nuit n'est pas la simple juxtaposition d'images illustrant un texte. Le regard d'Alex Jor dan (10) sur le travail de nuit participe de la création au même titre que les images d'André Lejarre et les textes d'Alain Le- duc. L'ouvrage réunit deux livres en un. La première de couverture est une page blanche où le graphiste a mis en espace le titre et le prologue, suivent alors quarante- deux pages de texte mêlant interviewes, coupures de presse, graffiti recueilli sur un mur d'usine, lettre manuscrite d'Alexandre Bonnier. Un achevé d'imprimer clôt le propos d'Alain Leduc. Vient alors une double page représentant la même photo graphie : un paysage à l'aube ou peut-être à la tombée du soir. L' ambiguïté est ren forcée par le fait que la seconde image, sur papier glacé, est mise en page à l'envers, comme une invitation à retourner le livre. Le lecteur découvre ainsi un second ou vrage. La quatrième de couverture se transformant en première, le titre s'inscrit sur une photographie de travailleurs de nuit.

Conçue comme un journal de route, cette chronique en trente arrêts ne palpite pas de la mélancolie des noctambules. Elle traite du travail de nuit en France, plus précisément de celui qui s'opère durant ce que l'on nomme « la grande nuit » (de une heure à cinq heures du matin). Ni plaidoyer ni brûlot, c'est un constat, une coupe effectuée par A. Leduc et A. Lejarre : photographies et textes partici pent de la mémoire ouvrière contempo raine. Visages offerts aux cernes de la nuit, gestes précis surpris dans le tremblement de la fatigue, l'objectif de Lejarre s 'insi nue dans les zones d'ombre, apprivoise les lumières blafardes, capte des mouvements, esquisse des ambiances, restitue des pans de solitude, s'offre des plages de convivia lité, vibre du carrousel, des gestes humains qui s'entrecroisent : 2 h 35, Chamant, péage d'autoroute ; i h 05. Paris, gare du Nord. Les pompiers 1 h 52. Vierzon. Train postal Brive-Paris ; 2h42. Megève. Agent EDF ; 2h 17, Wattrelos. Imprimerie Hersant. Les photographies pleine page, le grand format incitent le lecteur à pénétrer un espace méconnu, à le regarder avec connivence.

« La Grande Nuit ». Reportages sur le travail de nuit, de une heure à cinq heures du matin. Alain LEDUC, André LEJARRE. Conception graphique Nous travaillons ensemble. Syros, 1993, (144 pages, 60 photographies).

La presse d'entreprise

de Jacques LAMBERT

par Alain PAYEUR

L' expansion des pratiques managériales a rendu nécessaire une bonne connaissance de certaines formes de communication ou d'outils d'information.

Comment, dans ce cadre, ne pas s'inté resser au journal d'entreprise ?

S'intéresser à cet outil de comumnica tion, c'est entrer dans un domaine très vaste, mal défini. Aussi, dès l'introduction, l'auteur reprend-il la question des défini tions de la presse d'entreprise. Il com mence par mettre utilement en garde contre un couple de faux-amis puisque « house organ » s'applique à un usage ex terne (p. 4) et que le journal interne est dé signé, chez les Anglo-Saxons, par « house journal ». Mais les difficultés ne sont pas uniquement de cet ordre. Elles se reportent normalement sur la délimitation du corpus et même sur sa constitution. L'auteur si gnale, dans sa bibliographie, le recours à des archives personnelles. C'est que la presse d'entreprise connaît des modes de diffusion très variés et que la collecte est soumise en partie à une sorte de principe d'opportunités à saisir. Avouons, quant à nous, notre embarras lorsque nous nous re trouvons devant un bimestriel comme La lettre de Dargaud, l'officiel de la bande dessinée (no 10, avril 93, 35 F le numéro, 180 F l'abonnement annuel ! ) . Que faire de ces numéros qui ne sont que des revus de presse thématiques (communiquées par le Crédit du Nord, par exemple) ? Com ment considérer SNCF clip, dont quelques numéros furent distribués sous la signature « SNCF, c'est possible » abandonnée de puis la rupture du contrat avec l'agence propriétaire de la formule. Notre auteur n'a sans doute pas tort de nous prévenir contre les « faux journaux : catalogues commentés, guides documentaires, re cueils didactiques, bulletins commer ciaux. . . parfois présentés sous la forme d'organe de presse » (p. 5). Il est donc im portant de s'attacher aux choix des for mules éditoriales, des statuts juridiques - certains journaux ont une parution légale avec numéro ISSN - ou à des questions comme celles relatives aux modes de diffusion.

La réflexion s'est jusqu'ici surtout articulée autour d'une alternative dont les termes sont relativement simples à définir. Il existe une tension entre le journal conçu pour les personnels et le journal des per sonnels de l'entreprise. Ce qui est privilégié, c'est soit un lien d'interaction qui ne s'inscrit que comme une tansmission relevant d'un principe hiérarchique, soit un degré supérieur de complexité, fondé sur l'échange et l'itneractivité. Tel est bien le fondement de l'analyse proposée par l'auteur lorsqu'il oppose une logique inspirée par les managers à celle envisagée plus volontiers par des directeurs de comunication. Pour ce qui est des premiers, « ou bien ils appliquent à la presse interne un cadre directif dont le lecteur n'a pas la possibilité de sortir ; ou bien ils refusent que, dans cette communication instrunmentale, le processus de transaction ne se retourne contre eux » (p. 125) ; quant aux se conds, ils « penchent plutôt pour la communication d'information générale (c'est nous qui soulignons avant de revenir sur cette tendance) qui se définit comme un processus d'échange dynamique » (ibid.).

A partir de ce constat, quelques re marques peuvent se formuler, à commen cer par un rappel de la principale règle du jeu. Du point de vue juridique, la respon sabilité légale du chef d'entreprise étant engagée, en ce domaine, « il n'y a pas dé légation de pouvoirs ou de fonction » (p. 101). Le rôle central, le rôle éditorial, est d'autant plus clairement situé qu'on se trouve, bien entendu, dans le secteur concurrentiel et marchand. Il trouve quelques-unes de ses marques dans le prin cipe de gratuité, vu que cette presse est « entièrement financée par le patron ou le capital » (p. 7), ou dans ce degré zéro de l'écriture journalistique dont l'auteur nous fournit des exemples ainsi que la liste des sujets abordés avec ce paradoxe : « or, les éditoriaux - contrairement à ce que d'au cuns supposent - sont lus » (p. 51). Sans vouloir trop alourdir cette mise en cause de la prose de certains dirigeants, nous dirions, pour notre part, qu'il n'y a pas que les « traditionnalistes » (p. 50), il y a aussi ceux qui se chargent de décliner les mots à la mode, y compris sous une forme rhéto rique, en l'occurrence, celle d'un quasi-ac crostiche relevé par nous : « Service du client, Innovation, Label de qualité, Export et international, Compétitivité... Sécurité, Identité reconnue, Liaison qui dure, Epa nouissement, Convivialité » (Silec info qualité, septembre 1992, n°31). On sera sensible à ce travail sur l'arbitraire du sigle...

Une seconde remarque s'impose. C'est que l'on ne comprendra vraiment les en jeux qui légitiment l'essor de la presse d'entreprise, sans que soient pris en consi dération deux ensembles de facteurs. Il s'agit, d'une part, des processus et des mo dalités d'intégration à l'organisation des entreprises ; il s'agit, d'autre part, des in dices de professionnalisation de la fonc tion journalistique dans la sphère économique.

Sur le premier point, le lecteur pourra se reporter au chapitre V, consacré aux « journalistes d'entreprise et (à) leur envi ronnement » (p. 83 sq.). L'auteur évoque, en particulier, une structure du travail ré partie entre le comité éditorial et le comité de rédaction ; il signale encore l'impor tance stratégique du rattachement à telle direction plutôt qu'à telle autre : direction commerciale comme c'est encore le cas pour Le Chant du coq qui, depuis ses origines, « reflète la stratégie du groupe (GPA Assurances) et les actions du réseau commercial » (p. 14) ou, comme le montre la tendance actuelle volontiers orientée vers la direction du personnel, la direction des relations publiques ou celle de la com munication.

Sur le second point, le lecteur trouvera des éléments de réponse dans les pages consacrées au statut social (p. 87 sq.), dans celles consacrées aux corps d'origine (p. 83) ainsi qu'à la formation des journa listes d'entreprise. Globalement, l' auteur nous amène à penser que leur identité pro fessionnelle n'est pas achevée s'il est juste de constater que « les journalistes internes sont plus des acteurs d'entreprise que des journalites » (p. 91). Dans le même temps, il convient de s'interroger sur les représen tations que ces journalistes se donnent pour régulariser leurs pratiques propres et les comportements des acteurs avec les quels ils ont à traiter. Sur ces questions qui mériteraient d'être approfondies dans le cadre d'une recherche plus ambitieuse, on pourra trouver quelques aperçus en se re portant au chapitre VI consacré aux asso ciations de journalistes et en s'attachant aux données comparatives révélatrices de la prégnance plus ou moins forte du mo dèle hiérarchique. Approfondir ces aspects aiderait à formuler une question centrale : pourquoi de simple supplément à l'organi sation, la presse d'entreprise finit-elle par s'imposer comme une force de structura tion tendant à déterminer les attitudes de divers groupes et les modes de prise de dé cision ? Dans certains contextes, elle s'im pose comme une aide au développement de la recherche et de la production. A ce titre, il convient, comme nous l'avons sug géré, d'appréhender la totalité du système de presse d'une entreprise ou d'un groupe. Même pour une PME, cette question de méthode est justifiée pour peu que l'entre prise travaille dans une niche qui l'oblige à une certaine vigilance. Une manière de donner un sens fort à la remarque de notre auteur : « ce n'est peut-être pas une bou tade que d'affirmer que, dans la presse d'entreprise, ce sont surtout les lecteurs qui ont changé » (p. 54), et nous ajoute rions, de notre point de vue, pour éviter le risque d'une réduction à une question de design, que l'essentiel se joue dans l'arti culation des lecteurs possibles. Ce serait, pour nous résumer, vers une réflexion de type pragmatique que nous aimerions pou voir prolonger la lecture de la presse d'en treprise.

*LAMBERT Jacques (1993), La Presse d'entreprise, collection Que-sais je ? Presses Universitaires de France, 1993. 130 p., 40F.