n°54

 

 

Une histoire de la communication moderne

de Patrice FLICHY

par Christine BLONDEL

Découpant le 19e et le 20e siècle en trois grandes périodes, cette histoire se propose de mettre en relation, à chacune d'elles, l'ensemble des techniques de comunication avec la société correspondante. L'accent est mis sur le moment où de nouvelles techniques apparaissent, c'est-à-dire où l' invention devient innovation. L' attention de l'auteur est portée autant aux usages sociaux, potentiels ou réels, des moyens de communication qu'à leur invention.

Ainsi le télégraphe optique est-il lié à la Révolution par une perspective d'usage militaire et administratif, mais aussi par un contexte où l'espace national est restructuré, où la cohérence nationale est un objectif essentiel et où les projets de langue universelle sont multiples. Le passage du réseau Chappe au réseau du télégraphe électrique est l'occasion pour Patrice FLICHY de montrer comment les innovateurs n'ont une chance de succès que s'ils s'inscrivent dans un usage, comme en témoignent les chemins de fer et surtout la transmission des informations bousières. Des comparaisons avec d'autres pays soulignent la variabilité des attitudes des pouvoirs publics ; tandis qu'en France la loi de 1837 établit le monopole de l'Etat, en Grande-Bretagne ce sont les commerçants et industriels qui réclament en 1868 la nationalisation du réseau télégraphique devant les insuffisances du service privé.

Ce passage de la communication d'Etat à la communication de marché, entre les années 1790 et 1870, constitue la première partie de l'ouvrage.

L'histoire sociale est ensuite largement mise à contribution dans la présentation des nouveaux moyens de communication à usage familial qui apparaissent à la fin du 19e siècle : photographie, phonographe et cinéma. Dans cette deuxième période, c'est plutôt la difficulté des inventeurs à prévoir les usages sociaux de leurs inventions qui frappe. Ainsi Edison ne veut-il voir dans le phonographe qu'un instrument de bureau. Avec la TSF on a un exemple de « captation » d'une théorie scientifique par un courant de recherche technique pré existant : la tentative d'affranchir la télé graphie électrique de ses fils. Avec le téléphone et la radio est mise en évidence la circulation d'un projet entre science et technique, mais aussi entre objectif militaire ou commercial, entre information marchande et communication de loisir. L' analyse des échecs comme le théâtrophone (opéra par téléphone) au 19e siècle ou le guide d'onde dans les années 1960 montrent la diversité des facteurs en jeu.

Dans la deuxième moitié du XXe siècle, le triomphe de l'électronique est mis en parallèle avec l'individualisation de la consommation des outils de communication. Certes la présentation, au cours de l'ouvrage, de l'apparition successive dans le temps des divers usagers des outils de communications : l'Etat, le marché, la famille et l'individu, masque sans doute la continuité du poids de l'Etat et des usages professionnels pendant toute la période. Mais l'articulation étroite entre l'innovation et son marché, souvent oubliée dans les histoires des techniques, est pleinement mise en lumière.

*Patrice Flichy. Une histoire de la communication moderne - Espace public et vie privée. La découverte, 1991

Aramis ou l'amour des techniques

de Bruno LATOUR

par Fanny CARMAGNAT

Qui a tué Aramis ? Le prologue s'ouvre sur cette question et donne le ton à un ouvrage de sociologie des techniques qui prendra la forme d'une enquête policière. Il y a eu un mort, il doit bien y avoir un (ou plusieurs) assassins.

Aramis est un métro automatique révolutionnaire qui a existé jusqu'à l'état de prototype avant d'être abandonné en 1987 par ses trois parrains, l'Etat, la RATP et la Société Matra, après plus de quinze ans d'études, d'essais et quelque cinq cent millions de francs. Mais c'est avant tout un concept de transport révolutionnaire, peut-être une utopie, alliant les avantages du transport en commun : prise en charge des voyageurs, et ceux de la voiture individuelle : petites cabines, desserte fine, pas de changement de voiture ni d' arrêt là où l'on ne descend pas. Aramis n'est pas seulement une innovation mais un chapelet de nouveautés techniques mises bout à bout, la multiplication de ces innovations ayant pu fragiliser le projet.

Comme auparavant la voiture électrique ou la culture des coquilles Saint Jacques, Aramis offre à l'Ecole des Mines un cas d'école lui permettant d'appliquer ses méthodes d'analyse des conditons d'émergence de l'innovation : absence de jugement vis à vis des arguments scientifiques et techniques avancés par les protagonistes, utilisation de la même grille d'analyse pour étudier les controverses sur la Nature et les controverses sur la Société, non distinction entre faits de nature et de société.

Cet ouvrage est également un remarquable travail pédagogique de vulgarisaton scientifique. Comme Douglas Hofstadter dans son fameux « Goedel, Esher Bach », qui lui-même marchait dans les pas du Lewis Carroll de « Logique sans peine ». Bruno La- tour ne craint pas de multiplier les angles de vue, les métaphores, les traductions. Nous aurons par exemple une vision politique ou même politicienne de l'histoire d'Aramis (rôle déterminant du ministre communiste des transports, poids de l'alternance politique), une controverse théologique (avec le débat sur l'autonomie et l'intelligence de la cabine, préférée pour ARAMIS à une gestion centralisée des incidents, c'est l'éternelle dispute sur la grâce, la prédestination et la liberté), une vision stratégique (version scrabble), autant de traductions humoristiques n'atteignant jamais la pesanteur de la caricature. C'est également un dossier complet offrant au lecteur les compte rendus d'entretiens ou les documents réels que les sociologues ont eu en main, retraçant les différentes phases du projet, documents commentés ou analysés par différents acteurs réels ou imaginaires qui ponctuent l'exposé des faits de leur imprécations, leurs lamentations ou de leurs disputes.

Le lecteur se prend au jeu de cette scénarisation d'une aventure technique et au fur et à mesure que l' auteur ferme la porte à toutes les solutions suggérées par son enquête, il grille d'en vie de lui dire : « saura-t-on enfin qui a tué ARAMIS ? Mais ce n'est pas là une question qui semble intéresser l'auteur. En matière de science, Bruno Latour est agnostique. La vérité seul Dieu, s'il existe pourrait la dire, pas l'ethnologue des sciences qui ne s 'intéresse qu'aux procédures d'approche de la vérité. Son rôle est d'aller au plus loin de chacun des possibles, jamais de conclure. Et telle hypothèse aujourd'hui rejetée pourrait bien un jour connaître un nouveau succès. Nos esprits simples et cartésiens peuvent bien éprouver une certaine frustration, l'auteur s'en amuse comme Norbert, son personnage se joue dans le roman de l'irritation de son assistant, jeune ingénieur et chercheur néophyte.

Rejetant la posture des sociologues « classiques » qui se placent au dessus de leurs informateurs car ils se jugent seuls capables d'interprêter leur parole, Bruno Latour fait grand cas des récits de chacun des acteurs et de leurs analyses respectives, ce en quoi il se rapproche du courant ethno-méthodologue qui refuse de considérer l' acteur comme un « idiot culturel ». Se faisant, il refuse de désigner le responsable parmi tous les possibles. Par ailleurs on peut penser que cette absence de choix du coupable, cet a priori de bienveillance a peut-être facilité la parution des résultats de cette étude dont on pouvait s'attendre à ce qu'elle restât secrète.

Si Aramis est mort, ce n'est donc pas la faute de la technique qui aurait été insuffisante, ce n'est pas l'Etat ou la RATP qui auraient fait des mauvais choix. Non, la faute, s'il y en a une, est d'avoir laissé ce projet pétri de fragilités se débrouiller tout seul pour exister. Réinterprétant le mythe de Frankeinstein auquel on fait souvent appel lorsqu'il s'agit de technique, Latour n'accuse pas le créateur d'avoir cherché à prendre la place de Dieu en donnant vie à cette création monstrueuse, mais plutôt de ne pas être allé jusqu'au bout, de ne pas avoir aimé sa créature, et de ne pas s'être assumé comme créateur. Pour aimer la technique, il faut aimer le risque, l'affrontement, la confrontation avec les obstacles humains et non-humains. Poussant l'explication jusqu'au paradoxe, le sociologue des techniques donne aux innovateurs la tâche de faire plier non seulement leurs interlocuteurs humains mais aussi les lois de la physique pour faire exister leur innovation.

Les acteurs humains doivent donc se battre, négocier, discuter pour faire exister un projet technique qui n'est pas semblable à un fait scientifique dont l'évidence s'imposerait à tous. Au contraire il est fait de doutes, d'incertitudes, de paris sur l'avenir et sans un engagement total des acteurs, il risque de mourir de faiblesse. Livré à lui-même il poursuit sa trajectoire propre qui ressemble à celle du satellite artificiel abandonné dans l'espace et dont le destin est d'errer jusqu'à la désintégration. Les humains lui retirant leur soutien, leur vitalité, il perd ce qu'il possédait d'humanité pour devenir un objet aussi mort que ceux qu'on trouve dans les décharges publiques.

Les mondes multiples

de Don FORESTA

par Jean-Pierre BACOT

Si les « mondes multiples » de Don Foresta2 dont on fit ça et là grand cas ne s'ex pédient pas aux gémonies en deux temps de réflexion et trois coups d'épingle, c'est qu'ils convoquent nettement mieux que l'indigente vulgate dont se sustente habituellement la déjà ancienne littérature new-age.

Quoi que l'on pense du triomphe annoncé par l'auteur de l'art vidéo dans le cadre d'une nouvelle organisation du monde, après assomption d'une dimension esthétique dans la communication universelle, la lecture de cet ouvrage permettra de réviser l'état de la physique, aux confins de la métaphysique, l'évolution du regard de l'homme sur l'univers depuis Cromagnon, la typologie du cerveau (nous y reviendrons), le yin, le yang et les figures du Tao, les invariants binaires de la mytholo gie, superbement illustrés. Cela peut se révéler utile pour respirer consciemment l'air du temps.

De tous ces rappels exo/éso-tériques il ressortirait - air connu - qu'une fois nouvelle, nous, humains de l'ouest, passerions du paradigme esthétique classique, contre point de la rationalité envahissante, à un nouvel ensemble, ceci par une démarche « romantique », laquelle consiste à passer de la sphère gauche à la droite, du ration nel/intellectuel/formel/autoritaire/objectif au créatif/imaginatif/intuitif/subjectif, ceci sans quitter le cerveau.

L'interactivité, la fusion des traditions orientales et de la science extrême auraient même des conséquences éthiques et poli tiques, dans la mesure où « souvent la notion d'égalité entre les hommes a été interprétée au sens inadéquat "mètre-étalon" comme si nous étions tous identiques. For cer les êtres humains à errer dans un même moule est un mauvais service rendu à l'humanité, même si le cours de notre his toire et particulièrement notre époque s 'y sont employé par l'usage de cette définition erronée de l'égalité ».

Un tel éloge de la différence est, chez FORESTA contradictoire avec l'unicité d'une « culture mondiale » relayée par satellite et créée par des « artistes internationaux ». Mais peu importe, puisque, pour l'auteur, « il y a probablement des contradictions dans cette idée de Mondes Mul tiples, comme il y en eut dans la définition de la lumière et [que] la coexistence de visions divergentes du monde ne signifie pas nécessairement que l'une est fausse et l 'autre juste, la contradiction ajoutant souvent à notre compréhension en nous forçant, comme dans le cas de la lumière, à nous mouvoir vers un niveau supérieur, une autre dimension, afin de nous réconcilier avec cette contradiction » .

C'est l'histoire du menteur qui dit : je ne mens pas, ou, image plus moderne et choisie par l'auteur, le monde envisagé comme un vidéodisque, l'ancien et le nouveau pouvant y cohabiter.

Foresta décline longuement la dialectique penseur/créateur en espérant qu'une synthèse s'incarnerait dans un artiste utilisant des techniques de communication en prise directe sur l'ensemble de la planète. En réalité, ce prétendu dépassement des contraires, attitude holistique, n'est ici qu'une rationalisation des rapports de l'existant normalisé et du sensitif transgressif. L'art se pense lui-même à l'extrême et pour garder la typologie cervicale chère à l'auteur, bascule dans l'hémisphère nord, le gauche, s'y dogmatise. C'est l'ensemble du raisonnement qui s'autodétruit en se déployant dès lors que le créateur s' autoproclame rationnellement. Et Foresta de s'investir in abstracto d'une coupure épistémologique. Aussi humble que s'affiche l'attitude, ouvertement reprise de la « philosophie » quantique de Bohr, il n'y a pas pire prétention.

L'artiste en deviendrait dans la nouvelle configuration « communicateur ». On sait ce qu'il advient en fait. C'est très « quantique » en somme, . . Une faible partie suit cette trajectoire annoncée. Selon quel mode, quelle mode, c'est une autre question... La plupart, la masse s'en moque, si elle ne s'en gausse. Voilà pour quoi Haydn écrase Messiaen et Van Gogh la retransmission mondiovisionnée d'un dessin ou d'une chorégraphie interactifs. Mais Foresta n'en a cure, ancré dans son volontarisme. Il aimerait que cette dynamique théorique vînt au secours des réseaux dépourvus des auteurs qu'ils méritent.

Illustration :

L'art vidéo pourrait venir en aide à la télévision, pourrait l'aider à développer des potentiels inexploités et à trouver sa dignité. Grâce à la vidéo, la télévision, en tant que moyen hypersophistiqué de communication électronique, peut trouver finalement un contenu à la hau teur de sa complexité technique t...] et proposer un langage visuel capable de stimuler notre intelligence, plutôt que de l'endormir. L'oeuvre des artistes vidéo est exigeante et ne peut se regarder aussi superficiellement que la télévision. Elle sera donc vraisemblablement rejetée par une majorité. Pourtant cette majorité mérite quelque chose de mieux que ce qui lui est proposé. Et même si cela n 'intéresse qu 'une minorité, elle devrait pouvoir choisir entre des programmes plus stimulants, dans ce contexte de prolifération des chaînes. Une motivation autre que celle du pur profit devrait décider des programmes. La télévision, ce nouveau médium, a facilement trouvé sa forme rudimentaire ; désormais, elle doit trouver son âme.

Culture-monde et petite minorité. La « dimension » de la contradiction... Ce qui se passe en fait dans le cerveau de Foresta est bien repéré. C'est qu'une telle conception de la communication tue net les médiations qu'offre l'oeuvre d'art. Cette sorte de particulier/universel est étrange ; il n'y a plus de dialectique général/particulier, plus de symbolisation mais de la dénotation universelle, en quelque sorte. A gauche hémisphérique, toute ! Les mondes multiples sont monde unique. Le mauvais tour est joué et l'art informatique accouche d'une souris.

1 Le titre est emprunté au vocabulaire de la physique quantique.

2 Ancien diplomate et directeur du Centre culture américain à Paris. Pionnier de la diffusion de l'art vidéo au tout début des années 70. On lui doit entre autres réalisations le Café Electronique de la Cité des sciences et de l'industrie à la Villette.

*Don Foresta. Mondes Multiples. Editions Bâs/Femis, 1991.

Les néoclassiques contre le libéralisme ?

«Télévisions en concurrence»

de Pierre KOPP

par César Ricardo Siqueira BOLANO.

On a beaucoup entendu, pendant les an nées 80, le discours néolibéral vantant les avantages du marché contre un monopole de la télévision par les organismes publics, lesquels ont contrôlé jusqu'à très récem ment la production et la diffusion des pro duits télévisuels. Ce discours n'était rien moins que la base idéologique de l'action de tous ceux qui s'étaient organisés en Eu rope contre le monopole public. Comme partout, l'économie néoclassique donnait à l'idéologie libérale une apparence de scientificité.

La Popularité des idées néoclassiques, on le sait, réside dans le fait qu'elles fournissent un modèle théorique capable de réduire tout à la très simple logique binaire offre-demande, dont l'action serait censée amener toujours à un point de satisfaction optimale. Et si cette construction est absolument incapable d'expliquer ce qui se passe dans la réalité, ce problème, pour les néoclassiques, est dû aux imperfections de la réalité elle-même, qui a du mal à s'adapter au modèle. Il faut donc changer la réalité, ce qui exige une idéologie et un programme : le libéralisme.

En fait, libéralisme et néoclassicisme forment, depuis toujours, un couple insé parable partageant la défense cynique d'une société parfaite fondée sur le principe de la concurrence parfaite. Leur cheval de bataille : l'idée selon laquelle l'action libre des mécanismes de marché mène inéluctablement à cette situation idéale. Cette croyance serait valable pour l'économie en général et chaque marché en particulier.

Mais, comme toute règle, elle a aussi ses exceptions...

La déréglementation des années 80 a fini, un peu partout en Europe, par imposer une sorte de système mixte de télévision où le niveau d'adoption des idées libérales reflétait la situation des positions de la droite dans le rapport des forces politiques de chaque pays. Aujourd'hui, il apparaît que la stabilisation du système s'effectue par des compromis institutionnels qui mettent fin à la crise antérieure et permettront, dans les prochaines années, un développement plus ou moins équilibré, selon le cas, à la fois du secteur public et du marché.

Dans ce contexte, Pierre Kopp entend nous prouver que la télévision serait juste ment l'un des cas exceptionnels où le monopole, et non pas la concurrence parfaite, serait en mesure de garantir la satisfaction maximale des consommateurs. Sa démonstration est en parfait accord avec une tradition néoclassique.

La télévision étant un bien collectif (soit dans les systèmes où prédomine le caractère de service public, soit dans les systèmes commerciaux financés par la publicité) dont il est impossible de définir une règle d'exclusion, comme le prix pour les biens privatifs ("indivisibilité de l'offre"), elle ferait partie d'un cas spécifique de biens dont la production serait caractérisée par l'existence, contrairement au cas général, de rendements croissants. Comme « la consommation addition nelle d'un individu n'entraîne aucune réduction de la quantité disponible pour les autres consommateurs », le coût total se maintiendrait constant à long terme et le coût moyen décroîtrait donc avec le nombre d'usagers (p. 19). C'est à partir de cette supposition que l'auteur essaye de démontrer le caractère de monopole natu rel du secteur de la télévision (p. 63 et suiv.).

Pour appuyer son raisonnement, Kopp cite un texte classique de Samuelson, l'un des papes du néoclassicisme, qui « démontre l'existence de rendements croissants... (et même s'il) n'indique pas explicitement qu'il y a monopole naturel,. . . (il) en donne toutes les caractéristiques » (p. 65). La démarche de Kopp vient donc compléter la démonstration de Samuelson et, ainsi,.., défendre le monopole public !

Pour ma part, je pense avoir détecté une circularité dans la démonstration, le prémisse d'un accroissement du nombre de spectateurs sans aucun effort de la part de la chaîne (une proposition assez restrictive et commune aussi aux auteurs néoclassiques auxquels Kopp s'oppose) dirigeant d'une certaine façon le résultat de l'analyse. Ce qu'on peut reprocher à Kopp est basiquement l'adhésion à la théorie néoclassique. Mais ici, il faut reconnaître que la démarche est malgré tout est intéressante, dans la mesure où elle prouve que cette théorie ne confirme pas, dans le cas de la télévision, les thèses libérales et qu'elle peut même être utilisée pour prouver le contraire.

La défense du monopole public est menée dans les quatre premiers chapitres de livre. Dans le premier, l'auteur discute le caractère de bien collectif des services té lévisuels pour, dans le deuxième, revenir au thème de la réglementation de la télévision et prouver son caractère de monopole naturel. Finalement, dans le chapitre trois, Kopp cherche les lois de fonctionnement du service public en France et en Europe, pour conclure qu'aucune contrainte de rentabilité ne s'exerçant, les diffuseurs n'ont pas la nécessité de maximiser l'audience à tout moment de la programmation, laquel le peut donc être définie à partir de critères « non économiques ». Ce type d'organisation serait donc le seul capable de préser ver la spécifité de bien culturel de la programmation.

Dans le chapitre quatre, l'auteur nous présente une synthèse très bien articulée des principales contributions néoclassiques à l'étude des télévisions privés. L'objectif est de montrer que la contrainte économique oblige les chaînes commerciales à une stratégie de maximisation d'audience dans la totalité de la grille qui exclut des préocupations sur la qualité des émissions, sauf en certains cas où la chaîne essayerait de suivre une politique de différenciation par la qualité. Enfin, dans le chapitre cinq, Kopp fait un petit détour pour discuter les relations entre les chaînes et leurs fournis seurs de programmes : les producteurs de séries télévisées, les fédérations sportives et le cinéma.

*Pierre KOPP Télévisions en concurrence. Anthropos, 1990.